Au lendemain de la journée meurtrière de jeudi 20 février 2014, des familles de victimes, et autres citoyens fiers de leurs « héros », ont profité d’un retour au calme pour venir déposer des fleurs, des roses rouges, tout autour de la Place Maïden, le long des barricades, où on compte 80 morts et des dizaines de blessés depuis mardi à Kiev.
De nombreuses bougies et offrandes ont été déposées sous chaque portrait de disparu. Des prêtres se relayaient pour bénir chacun des petits autels improvisés. De nombreux dons des manifestants ont été recueillis.
En soirée, les cercueils des victimes ont été présentés à la foule. Les chants populaires, rythmés par des discours politiques, ont résonné cette nuit là. Place Maïden, il n’y avait aucune trace des troupes anti-émeutes ukrainiennes ni des milices russes payées par Ianoukovitch pour semer la terreur.
Si certains ont donc décidé de rendre hommage à leurs morts dès aujourd’hui, d’autres restent mobilisés, estimant qu’ils auront tout le temps de pleurer leurs morts plus tard.
En effet, il n’échappait à personne que non loin de là, au palais présidentiel, se négociait le protocole de sortie de crise.
Si le président Viktor Ianoukovitch et l’opposition ukrainienne ont signé ce vendredi un accord de sortie de crise, dans lequel sont prévues d’importantes concessions du pouvoir, cela pourrait tout de même paraître insuffisant aux yeux des manifestants après la journée sanglante de la veille.
Signé hier au palais présidentiel en présence des médiateurs européens, l’accord prévoit la formation d’un gouvernement de coalition d’ici dix jours, d’un retour immédiat à la Constitution de 2004,et d’une élection présidentielle anticipée, au plus tard en décembre. La Maison Blanche a salué la signature de l’accord et souhaité qu’il soit appliqué immédiatement. Le protocole a également été signé par les trois principaux dirigeants de l’opposition ukrainienne, Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et Oleg Tiagnibok.
L’opposition, représentée par le «Conseil du Maïdan», avait donné son feu vert à l’accord à condition que l’actuel ministre de l’Intérieur Vitali Zakhartchenko ne fasse pas partie du prochain gouvernement et que le procureur général Viktor Pchonka ne conserve pas ses fonctions, selon Oleg Tiagnibok. Conséquence, le Parlement ukrainien a également voté vendredi la révocation du ministre Zakhartchenko. Les deux hommes sont mis en cause pour leur rôle dans la répression policière et judiciaire contre les manifestants en Ukraine.
Le calme est retombé, et les règles du jeu ont changé à Kiev. Vendredi soir, dans le quartier du Parlement, la sécurité dans la rue était assurée par les manifestants. Pas de signe des forces de police ukrainienne, a constaté l’AFP.
Sur la place de l’indépendance, où s’est déroulé le bain de sang de jeudi, les avis sont mitigés, les concessions annoncées par le Chef d’Etat étant jugées insuffisantes, et bien tardives, d’après les témoignages recueillis par l’AFP.
D’ailleurs, vendredi soir, des dizaines de milliers de manifestants occupaient toujours la place Maïden. L’ambiance y est néanmoins bien plus détendue, on peut y voir des manifestants lancer des feux d’artifices ou se prendre en photo. Ce que veulent les manifestants maintenant, c’est voir les promesses se réaliser, c’est le départ de Ianoukovitch, et ils copte bien camper là jusqu’à gain de cause.
Par exemple, le groupe paramilitaire d’extrême droite «Secteur droit», très actif dans la guerre civile qui sévit ces dernières semaines a fait savoir que «la révolution nationale continue et ne s’achèvera qu’avec le départ complet du régime».
La prudence était aussi de mise du côté des responsables européens, pourtant principaux artisans du compromis après une journée et une nuit entière de négociations par les ministres des affaires étrangères polonais, allemand et français à Kiev.
Européens et Américains avaient mis en garde et menacé Viktor Ianoukovitch tout au long de la semaine notamment en décidant de priver de visas, de geler les avoirs de responsables ukrainiens et de sanctions supplémentaires.
L’Ukraine se trouve actuellement dans une mauvaise passe financièrement, et la Russie s’est engagée à un prêt de 15 milliards de dollars en plus d’un important rabais du prix du gaz. C’est d’ailleurs ce qui avait fait descendre les manifestants dans la rue fin novembre.
Si le représentant de la Russie, n’a pas signé l’accord mis en place aujourd’hui, l’émissaire russe a fait savoir que cela n’engageait pas que la Russie ne souhaitait pas de compromis.
Affaire à suivre…