Rien de tel que de se placer à la hauteur des yeux des enfants pour entrevoir petits et grands virages historiques avec un mélange de lucidité parfois d’une précocité incroyable et d’une candeur tout à fait normale pour cet âge. Tout l’intérêt de Girafada est là : raconter dans une fiction accessible au plus grand nombre (dès l’age de 8 ans) l’âpreté de la vie quotidienne des Palestiniens lambdas sous le joug de l’occupation israélienne.
Dans un pays rendu encore plus minuscule qu’il ne l’est déjà par les murs qui l’encerclent, Ziad, dix ans, a un univers magique et rassurant qui lui permet de s’évader : le seul zoo palestinien dont son père est qui plus est le vétérinaire ! C’est le zoo de Qalqilya. La vie de Ziad suit ainsi un cours paisible aux côtés des pensionnaires du zoo, avec parmi eux un couple de girafes, dont la femelle est enceinte. Mais l’Intifada reprend et avec elle sa pluie macabre de bombes israéliennes. Un évènement tragique se produit avec la blessure mortelle de la girafe mâle saisie de panique par les explosions toutes proches. Sa compagne, éplorée, se laisse dépérir. Ziad est affecté de la perte du mâle et celle de la femelle qui va probablement s’ensuivre. Son père a alors une idée insensée : faire venir avec la complicité d’un de ses amis, un vétérinaire israélien, un nouveau mâle qui permettra de sauver la femelle et le girafon qu’elle porte en elle. Le plan paraît d’autant plus insensé quand on connait la paranoïa des soldats aux check-points qui parfois confisquent certains instruments chirurgicaux, alors comment faire passer un animal africain géant atteignant les six mètres de haut !
Notons en passant que cette histoire est inspirée de faits réels mais nous ne vous en dirons pas plus… Sous ces allures de conte, Girafada n’élude pas le contexte (y sont explicitement dépeints les tracasseries intempestives des garde frontières et la violence des colons) et raconte, à travers la lutte atypique et courageuse d’un père, la résistance et la dignité d’un peuple qui a appris à se prémunir de beaucoup d’obscures vicissitudes grâce à un moral inusable et un contentement lié aux bonheurs simples de la vie.
Rani Massalha, Égyptien par sa mère, Palestinien par son père, a abandonné l’univers de la Finance de Londres, pour très touché par cette histoire à l’époque (il y avait d’ailleurs pris part) comme encore maintenant la porter à l’écran. Il devient réalisateur après que Rachid Bouchareb ait accepté de le former pendant quelques mois…C’est ça toute la magie du cinéma ! La magie, c’est aussi la présence et le regard incroyable du jeune Ahmad Bayatra, qui incarne formidablement Ziad et l’habite du début à la fin.
Avant-première à Dijon au cinéma Devosge en présence du réalisateur, le lundi 14 avril, à 20h30
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