Des sans-abris, après avoir erré pendant des mois voire des années, ont décidé de se prendre en main et ont créé une communauté autonome dans un coin de campagne de Seine-et-Marne. Plus de 200 SDF y sont restés le temps de reprendre des forces et trouver les idées pour repartir du bon pied.
Pour déjeuner, les sans-abris et bénévoles s’attablent dans une cantine bricolé avec des tôles et du bois, au beau milieu d’un terrain de deux hectares qui ressemblent à un camping. Un homme, Olivier, justifie son arrivée dans la communauté après avoir été expulsé de son logement après un licenciement et des problèmes de santé à 52 ans, il n’a pas trouvé de place en hébergement d’urgence.
Un rapport de 2013 réalisé par la fondation Abbé Pierre avait dénoncé la manque de capacité d’accueil des centres d’urgence, elle dénombrait 141 500 SDF et 3/4 d’entre eux n’ont pas trouvé de solution soit plus de 100 000 personnes sont restés sans toit sur la tête. Le dernier espoir d’Olivier était cette petite communauté installés dans des caravanes dans les bois de Villebéon (petite commune de 400 habitants en région parisienne). Le fondateur du village qui a des allures d’irréductible gaulois, Brann du Sénon explique :
« Le but, ce n’est pas de se sédentariser mais de retrouver une autonomie, une intimité, une dignité citoyenne et les moyens d’assurer une transition ».
Ce lieu collectif a été créé par cet homme en 2012 et 220 sans-abris ont séjourné quelques mois aux pieds des grands chênes. La moitié d’entre eux ont réussi à trouver un travail et un logement. M. du Sénon était lui-même SDF quand il a commencé à vivre à cet endroit en marge du système conçu par et pour les sans-abris grâce à son association « 115 du particulier ». Le financement repose sur le principe de générosité de particuliers et de bienfaiteurs qui ont prêtés le terrain et les caravanes sans demander d’argent en retour.
Dans cette clairière, l’association prête une caravane individuelle et fournit des toilettes sèches et des douches en échange de l’implication des gens dans la vie collective. Les uns récoltent les œufs dans le poulailler, nourrissent les cochons et assurent les soins aux chevaux du camp. Les autres désherbent le potager et récoltent les légumes. Le reste de l’équipe passe dans les supermarchés pour récupérer les invendus qui assurent environ la moitié de leur alimentation.
Stéphane, 42 ans qui a passé deux ans dans la rue raconte à la dépèche:
« Au début c’était difficile, qui a envie de vivre comme ça ? Mon rêve serait de m’acheter une petite camionnette pour pouvoir me mettre à mon compte. «
Chaque dimanche soir les résidents se réunissent auprès du Chef du village et font le point sur le ressenti et les projets de chacun. M. Sténon explique :
« On les accompagne, on est H24 derrière eux dans un cadre pseudo-familial où les gens ont leur place ».
Pour se faire un peu d’argent, les SDF proposent leurs servies dans les villages alentours comme la tonte des pelouses ou des travaux de bricolage. Bachir qui n’avait que 23 ans quand il est arrivé, après un licenciement et plusieurs nuits passées dans les accueils d’hôpitaux parisiens, il a séjourné deux mois dans cet endroit avant qu’il ne retrouve du travail. Pour lui, le village lui a apporté de « la sérénité et de l’apaisement » pour réfléchir à son avenir.
« Cela m’a fait comprendre que concrètement aujourd’hui, il fallait en faire deux fois plus que les autres et clairement ne rien lâcher ».