Vincenzo Nibali est décidément très en forme. Peu à son aise sur le Critérium du Dauphiné le mois dernier, le requin de Messine a remporté samedi dernier sa première étape de la saison, le championnat d’Italie, avant de remporter ce dimanche la seconde étape du Tour, à Sheffield, en Angleterre.
Le final de cette étape n’était à priori pourtant pas à son avantage. Même si la dernière difficulté de la journée ne se situait qu’à 5km de la ligne, il lui a fallu s’imposer sur une arrivée plate. Arrivé seul, avec 2 secondes d’avance sur les principaux favoris pour le général, le tout récent champion d’Italie s’empare du maillot jaune et montre à ses concurrents directs Froome et Contador qu’il ne sera pas qu’un simple figurant sur la Grande Boucle.
Sur un parcours très accidenté, semblable aux classiques belges de début de saison, les sprinteurs n’ont pas su batailler jusqu’à la ligne pour la victoire, à l’exception de l’impressionnant Peter Sagan. Le groupe de tête à l’arrivée était donc composée des principaux favoris et de quelques outsiders. Mais c’est en solitaire que Nibali a passé la ligne, s’échappant à 2km de la ligne.
Outre les nombreux changements de maillots, et la dimension spectaculaire de cette étape, ce dimanche a aussi été marqué au sein du peloton par le non-départ du favori du public anglais ; Mark Cavendish. Le sprinteur d’Omega Pharma-Quick Step a en effet été victime hier d’une chute dans l’explication finale, se luxant au passage la clavicule droite. S’il avait toutefois passé la ligne en grimaçant, il n’a pas pu prendre le départ ce matin.
Les classements
La course
Dès le départ réel, 6 coureurs se lancent à l’attaque pour rouler à l’avant sur une étape propice aux baroudeurs, parmi lesquels on retrouve les Français Blel Kadri (AG2R), Armindo Fonseca (Bretagne-Séché), Perrig Quéméneur (Europcar) et Cyril Lemoine (Cofidis). Ils seront rejoints peu de temps après par le Belge Bart de Clercq (Lotto-Belisol), pour constituer l’échappée quotidienne de 7 coureurs. Le peloton n’ayant pas envie de le prendre en chasse, le petit groupe se voit rapidement rouler avec 3 minutes d’avance sur le maillot jaune.
L’échappée du jour.Lemoine remporte l’unique point en jeu au sommet de la côte de Blubberhouses, au kilomètre 47. Kadri se chargera de passer en tête sur la ligne du spint intermédiaire, empochant 20 points pour le classement du maillot vert, alors que Coquard est le plus rapide du peloton, ce qui lui permet d’ajouter 8 points à son compteur. L’accélération du groupe maillot jaune en vue de ce sprint a réduit l’écart sous les 2 minutes avec les 7 hommes de tête.
Lemoine continue sa récolte de points au classement de la montagne, et empoche 5 points supplémentaires dans les côtes d’Oxenhope Moor, Ripponden et Greetland. Il portera demain le maillot à pois.
Les 197 coureurs prennent rapidement conscience de la difficulté de cette étape, qui, en plus de ses 9 difficultés, présente de nombreuses ascensions non répertoriées, parfois avec des pourcentages à deux chiffres. Le nombre de coureurs dans le peloton s’en fait immédiatement ressentir, et les coureurs les moins à l’aise en montagne commencent à lâcher du leste.
Dans la côte de Holme Moss, classée en seconde catégorie, l’écart fond, ce qui provoque les attaques de Kadri, Lemoine et Fonseca, qui veulent visiblement rester aux avant-postes. Tous les hommes sont finalement repris, à l’exception du coureur d’AG2R La Mondiale, qui tente à nouveau sa chance avec Thomas Voeckler (FRA – Europcar) puis Nicolas Edet (FRA – Cofidis), partis en contre à l’avant du peloton.
Mais le Toulousain veut tenter le coup en solitaire. Il passe le sommet avec 20 secondes d’avance sur ses 2 compatriotes, qui seront ensuite rejoints par 3 concurrents, dont Cyril Gautier (FRA – Europcar).
Kadri aura tenté sa chance jusqu’au bout.A 35 km de l’arrivée, les 6 fuyards seront finalement rattrapés par le peloton, sous les impulsions de Tinkoff-Saxo et Cannondale. Kadri sera élu combatif du jour en fin d’étape, et portera demain le fameux dossard rouge.
L’enchaînement de 4 côtes dans les 30 derniers kilomètres provoque une sévère sélection à l’arrière du groupe de tête. Avant même le premier des 4 sommets, ils ne sont plus que 24 à composer le peloton.
Dans la descente d’Outhtbridge, à 14km de la ligne, les Français Pierre Rolland (Europcar) et Jean-Christophe Péraud (AG2R) attaquent, espérant bien reprendre quelques secondes aux favoris. Le vice-champion olympique 2008 de VTT est repris assez rapidement, avant que le leader d’Europcar subisse le même sort à 8km de l’arrivée.
Dans Jenkin Road, l’ultime côte de la journée, Contador tente d’abord sa chance, suivi par Nibali, puis Sagan, ou encore Froome. Mais aucune des attaques ne sera décisive dans l’ascension. Sagan accélérera à nouveau dans le descente, mais en vain. Une fois la route redevenue plate, Vincenzo Nibali tentera de finir en solitaire, à 2000m de l’arrivée.
Le Requin de Messine parviendra à la surprise générale à contenir ses poursuivants pour s’imposer dans un final propice au sprint, lui le grimpeur-descendeur. En arrivant 2 secondes avant Greg Van Avermeat (BEL – BMC) et Michal Kwiatkowski (POL – OPQS), arrivés en tête du peloton, l’Italien s’empare du même coup du maillot jaune de leader.
Derrière les 16 premiers, un groupe de 20 coureurs limite les dégâts en passant la ligne à 16 secondes de Nibali.
Les réactions :
Mark Cavendish : « D’habitude, je sais que je suis capable de bien rebondir après une chute. Cela m’est déjà souvent arrivé mais hier (samedi), quand je me suis retrouvé au sol, j’ai senti que c’était plus grave que d’habitude, que quelque chose n’allait pas. J’ai tenu à franchir la ligne parce que j’étais à Harrogate mais j’avais du mal à tenir le guidon. J’ai enlevé mon maillot et quand j’ai regardé mon épaule, j’ai vu qu’il y avait quelque chose qui pointait pas comme d’habitude. J’ai été passer des examens, je souffrais beaucoup et je voulais rester optimiste pour ce matin, en me disant que cela dégonflerait pendant la nuit, mais en fait c’était encore pire. Je suis forcément déçu. C’est le pire scénario. Je suis dévasté. […] J’étais en train de remonter pour faire mon sprint. Je voulais sortir de la roue de Peter Sagan, je me suis déporté vers la gauche. Simon Gerrans était là. J’ai utilisé ma tête pour garder mon équilibre mais nos guidons se sont touchés et on est tombés tous les deux. […] J’ai parlé à Simon (Gerrans) après l’étape pour m’assurer qu’il allait bien. J’ai discuté avec lui au téléphone, je me suis excusé et j’espère que tout ira bien pour lui sur l’étape d’aujourd’hui. »
Peter Sagan : « Personne ne voulait travailler avec moi, tout le monde regardait ce que je faisais pour m’attaquer. La course était vraiment dure. A la fin, je n’avais plus de jambes. Je suis content d’avoir fini avec les meilleurs coureurs et d’avoir pris le maillot vert. Peut-être que j’ai commis des erreurs mais si j’avais suivi Nibali, je suis sûr que tout le monde aurait pris ma roue. Comme la course n’est pas encore décantée, tout le monde veut attaquer pour avoir le Maillot Jaune. Maintenant, je vais défendre le maillot vert et essayer à nouveau de gagner une étape. »
Pierre Rolland : « C’était une étape très difficile. J’ai eu une petite ouverture dans l’avant-dernier grimpeur. J’y suis allé crânement. Il y avait beaucoup de fatigue dans le peloton. L’étape a été très dure. J’ai tenté ma chance sans trop d’arrière-pensées. Je termine à une quinzaine de secondes de Nibali. Ce n’est pas grand-chose. J’étais étonné en haut que personne n’ait suivi. Il y a énormément de public. Ça rend la course très dangereuse parce que les gens s’avancent sur la route. Il y a eu pas mal d’accrochages aujourd’hui. En anticipant l’avant-dernière descente, je voulais éviter de prendre le moindre risque. Les côtes, la route étroite, la nervosité, on se serait cru en avril pendant les classiques. »
Romain Bardet : « Je n’ai pas de regret, c’est le sport, même si c’est dommage pour le timing. J’y suis allé de manière moins tranchante que lui qui est parti pour la gagne. Pourtant je pensais à l’étape. Sur le Tour, il y en a vingt-et-une, pourtant ça passe vite, alors dès qu’une occasion se présente… On a été très actifs avec Jean-Christophe Peraud, qui a été devant lui aussi. Je pense que l’équipe AG2R La Mondiale a fait son boulot. Les jambes ont bien répondu sur un terrain explosif. J’ai le sentiment de monter en pression. C’est bien parti. Tout le monde voulait être devant. Il y avait une surenchère dans la nervosité. Psychologiquement c’était difficile à vivre. A cause des chutes, j’ai mis pied à terre trois fois. C’est incroyable ! D’autant que je n’avais pas de coéquipiers à mes côtés. »
Blel Kadri : « Nous avions coché cette étape pour tenter une échappée, et c’est moi qui ai réussi à l’intégrer. Dans le groupe, tout le monde était motivé pour aller chercher les points de la montagne. Moi je les ai laissés se battre, en me disant qu’il y avait encore une autre possibilité en prenant des points dans les côtes de la dernière partie de l’étape. C’était faisable, et j’ai bien failli y arriver, mais finalement je le rate pour un point. Ce n’est pas très grave, j’ai fait les efforts qu’il fallait et je suis récompensé par le prix de la combativité. »
Cyril Lemoine : « Ça fait très plaisir (d’endosser le maillot à pois, ndlr), pour moi-même et pour mon équipe. On est parti sur des bonnes bases. Déjà hier, on avait un coureur devant pour viser le maillot à pois. Le ramener à Paris, ce serait trop dur mais l’avoir ici, c’est déjà bien. Tous les maillots sont importants au Tour de France. C’était sûr que le peloton allait revenir sur nous, donc l’objectif de notre échappée, c’était le maillot. C’est mon quatrième Tour et je n’ai vu une foule aussi immense qu’en Angleterre. Sur le sprint de la 2ème côte je me suis fait un peu avoir, mais ensuite je me suis méfié davantage, et j’ai réussi à aller prendre les points nécessaires. Je pensais que j’allais tenir un peu plus longtemps pour aller en chercher plus. Et en fait j’ai eu un peu chaud, car Blel marchait vraiment fort, et il s’est quand même fait reprendre juste avant de prendre le point qui lui aurait manqué. Ça m’a un peu aidé. »
Christopher Froome : « Même si j’ai attaqué dans le final, mon but était d’être devant et d’atteindre la ligne d’arrivée sans problème. C’était une journée difficile mais le soutien de la foule était incroyable. »
Alberto Contador : « Aujourd’hui, c’était une étape où il fallait faire attention, contrôler ses rivaux et aussi se tester un peu. Je suis bien. Je suis content, je me sens en forme et je pense que vais progresser au fil des jours. Aujourd’hui, la chose la plus importante était de rester en bonne position. Il y a encore beaucoup d’étapes pour attaquer. Il y avait des milliers de personnes, c’est magnifique mais c’est aussi dangereux quand on court à 90 km/h dans des descentes ou qu’on traverse des villages avec des chiens errants. Je suis content de ne pas être tombé car je n’avais pas eu cette chance ces dernières années. »
Vincenzo Nibali : « C’est une victoire magnifique, je suis récompensé de tous mes sacrifices. Le début de la saison a été plutôt difficile pour moi, mais j’ai continué à m’entraîner très dur avec mes coéquipiers. Ma confiance est revenue avec ces deux victoires consécutives, aux championnats d’Italie et ici. Je veux continuer à travailler dans la sérénité, parce que mon objectif c’est surtout d’aller chercher un beau résultat à la fin du Tour de France. Je ne veux pas perdre la tête, le Tour est une course très dure. Comme je suis superstitieux, je ne veux pas dire que je vais remporter le classement général. Je suis déjà très satisfait de porter le Maillot Jaune du Tour de France, après avoir remporté le rouge de la Vuelta et le rose du Giro. Cette course était très nerveuse, spécialement avec le nombre de spectateurs qu’il y avait. J’ai senti le bon moment pour attaquer. Derrière moi ils se sont un peu regardés, mais j’ai quand même eu peur de me faire reprendre en raison du vent de face qui soufflait. En tout cas, le Tour de France ne s’arrête pas là. »
L’étape de demain
Lundi, l’étape sera bien plus calme qu’aujourd’hui. Le parcours n’est long que de 155km et ne présente aucune difficulté répertoriée. Une étape entre Cambridge et Londres que le peloton devrait boucler en moins de 3h30, qui favorise évidemment les sprinters. Rien ne semble permettre à une échappée ou à un puncheur d’aller chercher la victoire demain. Le classement général ne devrait pas être grandement modifié, à moins que des chutes n’interviennent durant le long finale dans la capitale britannique.
Les favoris seront Kittel, Sagan, Greipel, ou encore Gerrans. Du côté des Français, on peut espérer de bonnes performances d’Arnaud Démare (FDJ) ou Bryan Coquard (Europcar).
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