La colère des agriculteurs n’a pas faiblit. La mobilisation s’est rapidement généralisé et les actions de protestation se sont multipliées. Dimanche 26 juillet, dans le Bas-Rhin, les agriculteurs sont arrivés en tracteur vers 22 heures. Ils se sont installés sur six passages routiers de la frontière franco-allemande puis ils ont bloqué les camions agro-alimentaires qui viennent d’Allemagne mais aussi d’autres pays. Une action qui se poursuivra jusqu’en fin d’après-midi ce lundi.
Ces blocages sont assurés par plus d’un millier d’agriculteurs venus de « tout le monde agricole » d’après Franck Sander, président de la FDSEA (syndicat agricole) du Bas-Rhin depuis le mois de juin 2015. Si des voitures ou des camions partent de France vers l’Allemagne, ils peuvent passer, ces blocages ne concernent que les camions qui arrivent d’Allemagne et transportent des matières premières agricoles ou des produits agro-alimentaires.
Le but des agriculteurs est de protester contre les « distorsions de concurrence », ils ont obtenu une réunion avec le préfet de Strasbourg à 14h , les représentants des manifestants se prononceront ensuite sur la poursuite ou non du mouvement syndical. Pour l’heure, ils ne sont pas satisfaits des mesures d’urgences annoncées par le gouvernement alors des tracteurs coupent les six ponts qui relient le Bas-Rhin à l’Allemagne : le pont de l’Europe à Strasbourg, le pont Pierre-Pflimlin, mais aussi le pont de Lauterbourg, Beinheim, Marcolsheim et Gambsheim.
À chaque fois qu’un poids lourds se présente à la frontière française, les agriculteurs procèdent à un contrôle et bloquent les chauffeurs qui bossent pour des boites concurrentes qui empêchent les agriculteurs français de vendre leur production à bon prix. Un blocage inédit des camions étrangers que les agriculteurs du Sud-Ouest, en Haute-Garonne ont tenté de mettre en œuvre pour toucher les camions alimentaires espagnols mais les contrôles n’auront tenu que quelques heures.
Sans que l’État français n’intervienne pour les interrompre dans leurs démarches, les agriculteurs se sont mobilisés pour dénoncer les manquements à la réglementation française de la part d’entreprise étrangère. Un exemple avec le cas d’un camion chargé de persil en provenance d’Allemagne, les agriculteurs ont constaté le non-étiquetage des cageots de persil qui ne s’identifiait que par la mention « Prince de Bretagne ». Ils ont alors choisi d’escorter le camionneur jusqu’au marché gare de Strasbourg où des agents de la répression des fraudes étaient présents pour contrôler la marchandise.
Aucun violence n’a été constatée mais à Lauterbourg, un routier a forcé le passage en passant sur le côté, il n’y a pas eu de blessé, seul le camion a subit quelques dégâts en percutant des balles de foin. Les forces de l’ordre sont intervenues pour l’intercepter.
Bas-Rhin : les agriculteurs ne décolèrent pas http://t.co/rQRI4kZO7N #Économie via @LePoint
— #Onelacherien (@schydlowski1) 27 Juillet 2015
Mise à jour à 17h17
La réunion s’est achevée sur une victoire de l’Etat qui a réussi à interrompre le blocus en prévoyant un rendez-vous avec le ministre de l’Agriculture Stéphane le Foll. Les représentants de la FNSEA du Bas-Rhin ont accepté d’attendre jusqu’à la visite du représentant du gouvernement pour ce qui est du blocage des camions allemands car d’autres actions sont prévues à l’encontre de « ceux qui ne jouent pas le jeu » des engagements qu’ils ont pris avec l’État.
Les agriculteurs allemands sont partagés, ils sont un peu vexés d’être pris pour cible mais soutiennent le mouvement de leurs collègues européens car beaucoup d’entre eux connaissent des difficultés depuis l’embargo russe. Certains producteurs de lait ont même manifester mercredi pour soutenir le coup de gueule français. Du côté des industries allemandes, on soutient moins, certaines d’entre elles ont déclaré qu’elles subissaient un « boycott » de facto.
La réponse du Président français et les mesures annoncées :
François Hollande s’est ouvertement déclaré en faveur des agriculteurs, sans approuvé leur révolte contre la grande distribution et les entreprises qui ne respectent pas les règles en vigueur en France, il a soutenu leur détermination et assure qu’il est du côté des agriculteurs. Une ferme prise de position en faveur des petits donc, quitte à prendre le risque de se mettre les gros à dos.
De son côté le gouvernement maintiendrait la pression sur les groupes coupables de ne pas respecter la réglementation. C’est ce qui rend si inédits ces événements déclenchés par les agriculteurs car la prise de position de deux groupes qui entrent habituellement en conflit change, le gouvernement et les travailleurs agricoles se liguent contre les entreprises françaises et européennes qui se font de gros bénéfices et ruinent les agriculteurs.
En plus d’un soutien médiatique, le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre une série de mesures pour aider le monde agricole. 600 millions d’euros seront débloquées pour financer ces actions. Une partie servira à restructurer les dettes de certains agriculteurs, l’État va envoyé 500 millions destiné à la Banque d’Investissement Publique (BPI) qui devra débloquer cette somme d’argent en crédit spécialement réservé aux éleveurs pour leur permettre de modifier les dettes actuelles à moyen et long terme.
Une série de mesures concerne les allégements de la trésorerie des agriculteurs : report des échéances de paiement de l’impôt sur le revenu, remboursement anticipé de TVA, exonération de taxes foncières, création d’un fonds d’allégement des charges, et des mesures liés à la MSA (la sécurité sociale agricole).
D’autres actions concerne la relance de la vente de la viande française sur le marché. Dix millions d’euros seront destinés à faire la publicité de la viande de France et le service des fraudes devraient intensifier ses contrôles sur l’origine des produits pour favoriser la consommation de la viande bovine française. Pour favoriser l’exportation, le gouvernement réactive le dispositif de garantie COFACE pour maintenir les expéditions de bœuf vers les acheteurs grecs traditionnels et il propose la création d’une plate-forme qui se nommera « Viande France Export » pour regrouper les opérateurs et permettre de répondre efficacement aux pays importateurs.
Il est aussi prévu une exonération de fiscalité pour les éleveurs qui pratiqueront la méthanisation (fait de transformer le méthane expulsé par les bêtes en électricité). Pour les soutenir sont prévus, un changement des « tarifs d’achat » de l’électricité produite qui est revendue dans son intégralité à EDF ainsi qu’une mobilisation des fonds européens. Un autre grosse partie de ses mesures à mettre en place concerne l’amélioration de la compétitivité des élevages en simplifiant les procédures et en améliorant les relations commerciales et les procédures de contrôle sans plus de précision.
Pour terminer, le gouvernement remet ça avec le loup en émettant le souhait d’entamer une procédure auprès de la Convention de Berne et de l’Union européenne pour déclasser le loup actuellement considéré comme une espèce strictement protégée.