Un « Oui mais », pour faire office d’introduction, à ma longue litanie, ouvre volontiers la place au débat. Que penser de ces deux mots associés volontairement ? Un « oui » annonciateur de la fin d’un anathème avec la possibilité pour les homosexuels de pouvoir donner leur sang comme tout citoyen solidaire. Mais ce « mais » joue au chamboule-tout car il y a des restrictions qui viennent gâcher le tableau de l’équité qui bien que redoré laisse encore à désirer : l’obligation d’une abstinence totale de rapports avec une ou des personnes du même sexe, pendant douze mois avant tout premier don, en est l’illustration aberrante. La communauté gay de France se souviendra, en tout cas, de ce mercredi 4 novembre 2015 qui est une journée historique mettant un terme à une interdiction formelle et totalement injustifiée bannissant la collecte de leurs globules. Après des années d’exclusion, les gays seront enfin autorisés à participer aux dons du sang chapeautés par l’EFS. Notons cette nouvelle donne égalitaire sera instaurée sous conditions et par paliers à compter du printemps 2016. C’est ce qu’a annoncé notre Ministre de la Santé Marisol Touraine dans les colonnes du Monde en ces termes : « C’est la fin d’un tabou et d’une discrimination ». Un bémol cependant : une période d’abstinence d’un an, ce qui est de l’ordre de l’inimaginable, en ce qui concerne les rapports sexuels entre deux hommes, sera instaurée, pour gage d’une sécurité invoquée maximale. Justement, pour sécuriser les dons, à la fois avec clarté et dans le secret médical, l’EFS a mis en place un parcours strict de ces derniers. Il y aura en amont l’entretien médical de pré-don et en aval des tests préventifs pour vérifier la qualité du sang du donneur et mettre à jour (bon sang ne saurait mentir) si le candidat à l’éligibilité est sain et surtout dépourvu de MST ou IST. Le tout étant peut-être d’éviter d’être éclaboussé par un scandale de santé publique, comme celui des transfusions contaminées par le VIH, dans les années 1980. Peu à peu cependant, la confiance accordé aux homosexuels voulant être des donneurs réguliers, se traduira par une période d’abstinence, qui pourra être réduite avec plus de souplesse à 4 mois. Ce qui sera le cas d’emblée pour le plasma. La France est le dixième pays au monde à étendre le don du sang à tous et à toutes quelque soit l’orientation sexuelle chosie. Ses modèles sont le Japon, l’Australie et les Etats-Unis avec le délai d’un an au départ.
« C’est une avancée symbolique, nous sommes satisfaits que les choses bougent », s’enthousiasme avec tempérance cependant, Yohann Roszéwitch, président de l’association SOS Homophobie. En effet, il trouve malgré tout cette décision « un peu hypocrite » et estime que « la stigmatisation » est toujours présente avec toujours cette suspicion latente de « population à risque ». Il est encore ancré dans les mentalités que les homosexuels sont plus souvent séropositifs que les hétérosexuels. Olivier Véran, député PS de l’Isère en 2003, avait haussé le ton en ces termes au JDD, pour défendre un rapport pour lequel on comptait sur sa diligence : « Ce n’est pas parce que vous êtes homosexuel que vous avez le sida. Ce n’est pas parce que vous êtes homosexuel que vous avez des pratiques à risque. C’est une vision complètement dépassée ! ». En juillet 2014, Steven Kuzan, un jeune homme de 24 ans, lançait une pétition sur le site Change.org dans le but de faire ouvrir le droit du sang aux homosexuels et bisexuels. À la date du 4 novembre 2015, elle avait été signée plus de 178 000 fois ! En avril 2015, le Comité Consultatif national d’éthique avait enterré toute grande réforme ou léger assouplissement possibles -se basant tout de même sur une circulaire de 1983, réaffirmée par un arrêté du 12 janvier 2009– mais l’injonction dans la foulée de la Cour de justice européenne, ne voulant plus exclure systématiquement les homosexuels d’un acte aussi charitable qu’est celui de donner son sang, l’a mise dos au mur et obliger de songer à réviser sa copie. La longue marche pour l’égalité des droits des LGBT a fait un immense pas en avant avec quelques nuances -et pas des moindres- à charge. Il reste encore de la route.