Découvrez « Wonderland », le nouveau single de Caravan Palace !

Le groupe Caravan Palace / Visuel Via CP Rise Up

Ayant déjà conjugué au futur un passé pas si simple dont ils ont redoré le blason sur un lit de beats dancefloor, télescopant contrebasse, synthés, scat et violons, les cyber-punks des années folles se réinventent avec une arrogante insouciance dans un troisième album surprenant et attendu.

D’une bande-son de porno muet du début de siècle (l’autre) en 2005, trois musiciens de swing qui jouent vraiment avec les doigts, Hugues (violon), Charles (contrebasse) et Arnaud (guitare), décident de customiser le genre. Ils s’entourent alors de Chapi (clarinette), de Toustou (aka Mighty Mezz, trombone et boom boom), d’un robot anonyme et, dorure finale au frontispice de leur Palace flambant neuf, de l’atemporelle Zoé, « jolie coquine » égérie d’une époque rêvée qui n’existe pas. Ça programme, ça scatte, ça devient un peu fou et en 2008, ça surprend avec ce son d’aujourd’hui assaisonné à l’ancestral dans un album dont le robot reste pantois et qui se glisse sans efforts dans les festivals de Jazz comme derrières les enceintes épaisses des gros festoches US. En 2011, sans se copier soi-même, retour avec l’album Panic ! et avec Paul-Marie (vibraphone, washboard, piano). Il est alors temps de tourner comme des dingues parce que la planète réclame sa dose de fraîcheur.

Mais tout cela n’aura aucune importance. Car malgré son nom, Caravan Palace ne s’enferme ni dans l’étroitesse du premier ni dans l’opulence de l’autre et dépoussière plus encore les rayonnages bien rangés de l’histoire de la musique. Lors de leur dernier voyage dans le temps pour aller, tels des Docteurs Frankenstein en costumes zazous et robes flappers, ressusciter encore le swing-jazz à grands coups de fée électricité, ils ont agrippé au retour quelques oldies qui n’en sont pas sorties indemnes. Et c’est tant mieux. Il était temps d’aller secouer le hip-hop, dont les colliers à $ commençaient à prendre de la patine, pour lui donner ses armoiries. Et à force de rôder la machine à danser, il était inévitable que la house et la funk se jettent sur leur passage pour avoir droit eux aussi à la potion magique Made in France. Prenez un ticket les autres, vous y passez aussi. Même toi, le early rock’n’roll, là-bas au fond.

Inutile d’imaginer ici un bordel de genres collés ça-et-là. Au Palace, on digère, on invente, on renouvelle avec clâsse (mais pas trop, non mais). Et le nouveau Caravan, ça râpe aux entournures, c’est punchy, c’est bada$$, c’est décadent, c’est groovy, toujours évident, ça prend son temps et ça brille dans le noir. Et si les tempos sont ralentis, n’y vois aucun gage de sagesse, mec. À l’heure où le has-been est devenu tendance, le Palace se fout bien plus de la mode que de l’an 40 et sans renier ses poum tchak ni ses wap doo wap, pose du flow sur les trilles de sax et lâche le scat sous les boules à facettes. Qui l’eût-cru ? Sûrement ceux qui ne leur collent pas d’étiquettes – ça n’tient pas avec la sueur de l’artiste – ou qui ne les rentrent pas dans une case (7, ça prends trop de place, surtout la contrebasse).

Caravan Palace avance à son rythme et écrit la musique d’après-demain, l’insouciante, la sautillante, avec des vrais morceaux d’instruments à l’intérieur, celle qui se joue du Temps, des styles et des dancefloors. Appelez-la comme vous voudrez, ça ne changera rien. Car même si aucun robot n’a été maltraité pendant la production de ce troisième opus, les machines vont se défouler sur vos pieds et vos cervicales de leur beats frais et implacables.

Jérémy Renard: