Après les troubles qui se sont produits lors de son concert du 13 mars à Grenoble, Bertrand Cantat est à nouveau dans la tourmente suite à de nouvelles informations qui concerneraient le suicide de son ex-femme Krisztina Rády, en 2010.
[dropcap]C[/dropcap]ondamné en à huit ans d’emprisonnement à Vilnius en Lituanie pour le meurtre de l’actrice Marie Trintignant en 2003, Bertrand Cantat avait passé un peu plus de quatre ans en prison avant de bénéficier d’une libération conditionnelle. Une nouvelle affaire pourrait réapparaître aujourd’hui selon le JDD, à la suite du suicide de son ex-femme Krisztina Rády, début 2010. Le parquet de Bordeaux a été saisi d’éléments nouveaux à l’encontre de l’ex-leader et chanteur du groupe Noir Désir.
La militante féministe Yael Mellul a saisi le parquet de Bordeaux
L’enquête sur les circonstances de la mort de la jeune femme pourrait être relancée, le parquet de Bordeaux ayant été saisi d’éléments nouveaux. L’ancienne avocate et présidente de l’association Femme et Libre Yael Mellul aurait communiqué des pièces « permettant d’établir les violences exercées par Bertrand Cantat sur Krisztina Rády », en prolongement d’une plainte contre X qu’elle avait déposée le 3 avril 2014 pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».
En octobre 2013, cette militante féministe avait déjà obtenu que les circonstances de la mort de l’épouse de Bertrand Cantat soient réexaminées, alors qu’elle était l’avocate de François Saubadu, l’ex-compagnon de Krisztina Rády. « Je souhaiterais que le message laissé par Krisztina Rády six mois avant de se pendre soit entendu par la justice pour ce qu’il est : une plainte posthume dans laquelle elle décrit, désespérée, les violences physiques et psychologiques que Bertrand Cantat lui infligeait, violences qui l’ont conduite au suicide », affirme Yael Mellul.
Pour appuyer ses accusations, elle produit des échanges de courriels dans lesquels s’exprime une personne très proche du groupe Noir Désir et de l’épouse de son leader. Celle personne décrit un Bertrand Cantat « violent » et « manipulateur », allant jusqu’à le surnommer à l’occasion « le dingo ». Elle affirme ensuite « Comme je regrette d’avoir effacé les mails de Krisztina où elle me racontait les coups et qu’elle avait peur pour sa vie ». Dans la quarantaine de captures d’écran adressée au parquet de Bordeaux, elle décrit Bertrand Cantat comme un dissimulateur. « Il se contrôle très bien en public. Il fait gaffe à ce qu’il donne à voir. Il est dans la mise en scène permanente. Et donc difficile à combattre. »
Une lettre d’adieu laissée par Krisztina Rády
La militante féministe évoque aussi la lettre d’adieu laissée par son amie, cependant elle précise ne pas l’avoir lue directement. Elle en aurait eu connaissance à travers des conversations avec des policiers, ainsi qu’un membre de Noir Désir. « Sur cinq pages, elle accuse Cantat sur quatre pages et demie. Et sur une demi-page, elle parle de quatre autres personnes (dont moi) qui l’ont abandonnée ou lui ont fait du mal. J’en ai pleuré des mois. Parce que je me suis dit que si j’étais restée près d’elle, elle ne se serait pas pendue ». Cependant, cette lettre n’a pas été rendue publique.
En effet, dès le début de l’enquête le parquet de Bordeaux avait choisi d’en préserver la confidentialité « par respect pour ses proches et sa famille ». Et les parents de Krisztina Rády donnent une tout autre version, selon leur avocat, Me Tibor-Louis Leh. Ils confirment qu’elle a laissé une lettre d’adieu. Mais elle tiendrait sur une seule feuille recto-verso d’un cahier d’écolier. Des dessins et une demande de pardon à ses enfants y figureraient également. Le défenseur précise qu’il s’est entretenu au téléphone avec les parents de Krisztina. Ils se disent « très choqués ». Me Leh ajoute : « Ils le répètent : Bertrand ne peut être tenu pour responsable du suicide de Krisztina ».
Les magistrats n’ont donné aucune suite
Jusqu’à présent, les magistrats n’ont pas donné suite aux demandes de Yael Mellul, ni d’ailleurs répondu aux sollicitations du JDD. Considèrent-ils ces nouveaux éléments comme insuffisants? Dans les échanges de courriels il apparaît à au moins deux reprises que leurs auteurs n’ont pas été les témoins directs de violences exercées par Bertrand Cantat, à l’encontre de sa femme ou de son fils. « Je n’ai pas de preuve formelle qu’il le frappe, juste on m’a raconté, alors je ne m’avance pas », serait-il précisé. Ou encore : « On ne l’a pas vu frapper. Ce sont les meufs qui l’ont dit. Et l’une, enfin deux, sont mortes. Et les autres ne parleront pas par trouille. »
Selon l’avocat de Bertrand Cantat, Me Antonin Lévy, le parquet n’a procédé à ce jour à « aucune audition ni à aucun acte ». Il rappelle que le suicide de Krisztina Rády avait déjà fait l’objet de deux enquêtes ayant abouti aux mêmes conclusions. Au contraire selon Yael Mellul, « si l’enquête n’avance pas, c’est bien parce que tout le monde se tait. J’espère que le moment est venu pour tous ceux qui savent de libérer leur conscience ». La militante demande l’audition des trois autres anciens membres de Noir Désir : Denis Barthe, Jean-Paul Roy et Serge Teyssot-Gay.
Des révélations polémiques
Fin novembre 2017 dans Le Point, à la veille de la sortie du nouvel album de Bertrand Cantat, un ex-membre du groupe, qui a souhaité rester anonyme, affirmait qu’ils auraient « tous décidé de mentir » lors du procès du chanteur : « Krisztina m’a vu et elle m’a demandé, à moi et à tous les autres membres du groupe, de cacher ce que l’on savait. Elle ne voulait pas que ses enfants sachent que leur père était un homme violent ». Cependant, ces propos ont été immédiatement démentis par les trois musiciens. A en croire la femme d’un des anciens membres du groupe, qui a entretenu une correspondance sur Facebook avec Yael Mellul, ces propos auraient cependant été effectivement tenus. Me Antonin Lévy avait alors porté plainte contre l’hebdomadaire.
Dans ce contexte plus que tendu, l’Express évoque d’autres révélations, contenues dans un livre, Bertrand Cantat-Marie Trintignant, L’amour à mort, publié par les journalistes Stéphane Bouchet et Frédéric Vézard. Ce livre revient aussi sur la période où Cantat, à la suite de sa libération conditionnelle, était revenu vivre avec Krisztina Rády. Il évoque un contexte de violence particulièrement difficile, dans lequel l’ex-femme du chanteur, six mois avant son suicide, aurait laissé un long message téléphonique à ses parents en Hongrie. Dans la retranscription intégrale de cet appel, publié par l’hebdomadaire, Krisztina Rády se plaignait de violences à son encontre, et évoquait de manière plus générale un climat détestable et le cauchemar qu’elle aurait vécu.
Quant à Bertrand Cantat, il a récemment estimé avoir purgé sa peine et payé sa dette envers la société. Il demande à bénéficier d’un droit à la réinsertion et de pouvoir exercer son métier, tout en renonçant aux festivals prévus l’été prochain.