Sorti il y a plus d’un mois, les salles sont encore pleines, le film, sélectionné à Cannes mérite vraiment qu’on le (re)découvre.
PAS UNE COMEDIE : UNE TRAGEDIE
[dropcap]L[/dropcap]’affiche du dernier Christophe Honoré est trompeuse : trois hommes souriants, partageant le même lit, totalement décontractés : on s’attend à une comédie légère et un peu loufoque à cause de la présence notamment des acteurs Vincent Lacoste et Denis Podalydès. C’est oublier bien vite que ces acteurs sont toujours excellents à contre-emploi comme c’est le cas ici.
La seule comédie c’est celle de la vie avec ses aléas tragiques (amours non réciproques, maladies, questionnement professionnel, quitter ou non sa région et ses amis pour le travail…).
L’AMOUR AU TEMPS DU SIDA
Le film, qui se déroule en 1993 traite également d’un sujet délicat : l’amour au temps du sida, non pas que ce temps soit révolu mais les années 90 furent celles d’une véritable hécatombe, médiatisée difficilement, bien qu’elle concernait également de nombreux intellectuels et artistes en vue, un véritable déni public avait lieu. On se rappellera l’excellent Les Nuits Fauves de Cyril COLLARD, César du meilleur premier film en 1993 justement, ce qui fit grand bruit.
Christophe Honoré complète en quelque sorte le propos car là où Les Nuits Fauves incluait des partenaires féminines au long cours ici la franchise et l’honnêteté leur fait occuper les seuls rôles possibles : la mère et la meilleure amie, à un âge et avec des attentes différentes, comme un écho à l’écart générationnel des deux amoureux Jacques et Arthur (dommage qu’ils ne s’appellent pas Paul et Arthur on aurait pu évoquer Verlaine et Rimbaud).
L’AMOUR A REBOURS
L’action se concentre donc sur la relation entre les deux hommes. L’un, Jacques, va mourir et il le sait. Intellectuel reconnu mais fauché, romantique, pétri de contradictions, père de l’enfant le plus cool et équilibré du cinéma (mention spéciale pour le rôle de Loulou qui véhicule fraicheur et bienveillance). Il rencontre Arthur, jeune, breton et aspirant réalisateur, délicate mise en abyme car Christophe Honoré est père et en 1993 il avait le même âge qu’Arthur.
L’amour entre Jacques et Arthur ne sera pas salvateur. D’une part parce qu’il est impossible de guérir du sida même si on est aimé, et d’autre part parce qu’aimer génère des angoisses ingérables pour Jacques qui ne veut pas d’une dernière histoire d’amour (excellent Pierre Deladonchamps).
LA NUIT PERSONNAGE CLE
Christophe Honoré filme les zones d’ombre et de noirceur intérieures avec autant de finesse qu’il filme la sexualité, le désir. Devant sa caméra les acteurs sont beaux, rien n’est jamais sordide même les scènes de rencontres sexuelles nocturnes dans les parkings.
La nuit est d’ailleurs extrêmement présente dans le film, métaphore de la mort et du cinéma : c’est dans l’obscurité d’une salle obscure que les amants se rencontrent, dans la pénombre qu’ils se donnent. La rencontre d’Arthur va changer la vie de Jacques : enfin aimé et amoureux, désormais pour lui rien ne s’oppose à la nuit…
Plaire, Aimer et courir vite, film de Christophe Honoré,2h12, en salles.