Ces départs « je les ferai d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte »
Plus de dix ans après les faits, le verdict est tombé dans l’affaire France Telecom : l’entreprise et ses trois anciens dirigeants, Didier Lombard, Louis Pierre Wenès et Olivier Barberot écopent d’un an de prison dont huit mois avec sursit pour « harcèlement moral institutionnel » pour la période 2007-2008.
C’est la première fois qu’un tribunal reconnait la notion de « harcèlement institutionnel ». Institutionnel voulant dire « établi de manière officielle ou légale » selon le Trésor de la langue française. Il s’agissait donc d’un harcèlement collectif et organisé.
En effet, à partir de 2005, plusieurs employés de France Télécom auraient vécu, selon leurs dires, un véritable enfer au sein de l’entreprise et cela à cause de la stratégie mise en place par le PDG, Didier Lombard.
Selon Franceinfo qui a reconstitué les faits, l’affaire commence à la nomination de Didier Lombard en 2005. Ce dernier, voulant redresser l’entreprise après sa privatisation partielle en 2004, élabore deux plans : NExT (Nouvelle expérience des télécommunications) et ACT (Anticipation et compétences pour la transformation).
La stratégie de ces plans est simple : puisqu’il est impossible de licencier pour motif économique, il faut encourager les salariés à démissionner.
En 2006, Didier Lombard prévient les cadres de l’entreprise qu’il y aura suppression de « 22 000 postes sans licenciement, la mutation de 14 000 salariés et l’embauche de 6 000 nouveaux talents ». Selon Didier Lombard dans le Monde, il ne s’agissait que de départs qui devaient être « naturels » et « volontaires » et non pas forcés.
Dans le cadre de ces départs, plusieurs méthodes auraient été employées selon les anciens salariés : fixer des objectifs irréalisables, donner des missions « dévalorisantes », ou encore intimider. L’entreprise a aussi créé une école de management pour former les cadres à « de nouvelles méthodes destinées à convaincre les salariés réticents » de partir.
Ces méthodes ont eu des conséquences funestes : le suicide de nombreux salariés. Bien qu’en général les motifs de suicides peuvent être multiples, plusieurs victimes ont pu écrire leurs motivations dans des lettres. Par exemple, Le Monde évoque le cas de Michel Deparis, un technicien marseillais, qui avait expliqué dans sa lettre : « Je me suicide à cause de France Télécom. C’est la seule cause ».
L’enquête conduite par le Tribunal de Paris se concentre sur le cas de 39 salariés dont 19 qui se sont donnés la mort.
Le procès avait lieu entre les mois de mai et de juillet de cette année. Didier Lombard, et deux autres anciens dirigeants sont rendus coupables de «harcèlement moral institutionnel » et quatre autres cadres sont eux jugés pour « complicité de harcèlement moral ». L’ancien PDG de l’entreprise a fait appel à sa condamnation.