Quand certaines personnalités du gotha se plaignent de leur confinement et suscitent l’indignation sur les réseaux sociaux, le secteur du luxe met la main à la poche et réalloue ses unités de production pour lutter contre l’épidémie du coronavirus.
A l’instar du leader mondial LVMH, les grandes maisons rivalisent d’ingéniosité pour contribuer à la solidarité nationale.
« Quand tout cela sera terminé, je ne veux plus jamais entendre les gens se plaindre de l’État-providence. (…) Certaines personnes travaillent 14 heures consécutives et ne se plaignent pas ne serait-ce qu’une seconde. Alors qu’ils risquent quotidiennement leur propre santé et celle de leur famille (…). Et après, je vois des personnes se plaindre d’être coincées dans leur manoir avec piscine. Et, franchement, je n’ai pas du tout envie d’entendre ça ».
Le célèbre humoriste britannique Ricky Gervais, connu pour se payer la tête des stars d’Hollywood à chaque présentation des Golden Globes, n’a pas pu s’empêcher de récidiver en moquant, dans une interview au Sun, les célébrités qui se plaignent du confinement sur les réseaux sociaux. Des plaintes assez malvenues et jugées par certains indécentes de la part de personnalités qui vivent, pour la plupart, dans un quotidien de « confiné ultra-privilégié ».
« L’épreuve du confinement » des milliardaires
« Même après toutes ces années et l’épreuve du confinement, je suis consciente de la chance que j’ai de t’avoir rencontré » tweetait dernièrement Salma Hayek à propos de son mari François-Henri Pinault. On n’ose imaginer à quoi peut ressembler cette « épreuve » pour l’actrice américaine et le célèbre milliardaire, président du groupe de luxe Kering, dont le salaire en 2018 était de 22 millions d’euros et la rémunération variable de 18,6 millions d’euros. Et que dire du confinement de Madonna, dont la fortune est estimée à 570 millions de dollars, qui met en scène sa tristesse dans une vidéo où elle apparaît, les traits tirés, dans un bain aux pétales de roses ?
« Ces posts Instagram viennent aussi cruellement rappeler à quel point nous ne vivons pas dans le même monde, eux et nous – avec nos apparts riquiquis, nos journées XXL où l’on n’a pas le temps de danser (ni même de prendre un bain) entre le boulot, l’école à la maison, la préparation de trois repas par jour et le soutien aux anciens, même à distance » résume Anna Topaloff dans le Nouvel Obs. Le confinement généralisé est profondément inégalitaire et constitue une véritable épreuve, notamment pour les mal-logés ou les personnes vivant dans un espace réduit.
LVMH et le pont aérien pour acheminer le matériel médical
Si certaines prises de parole publiques suscitent l’indignation, l’industrie du luxe n’a pourtant pas chômé et a réagi dès le début de la crise sanitaire. Avant même le confinement déclaré officiellement par Emmanuel Macron en France le 17 mars, les leaders du luxe mettent à disposition leurs réseaux et leurs unités de production.
Dès la semaine du 9 mars, les salariés de l’usine Givenchy (LVMH) décident de créer du gel hydroalcoolique grâce à de l’eau, de l’alcool et de la glycérine. Martin Hirsch, directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), prévient le secrétaire général de LVMH Marc-Antoine Jamet que dans les soixante-douze heures, l’AP-HP n’aura plus de gel hydroalcoolique. Samedi 14 mars, Bernard Arnault lance officiellement la production en interne. « Cette histoire de gel hydroalcoolique, c’est un peu l’acte I d’une participation inédite, car concrète, des géants du luxe au bien commun » résument Caroline Rousseau et Elvire von Bardeleben dans un article du Monde. LVMH fait jouer son réseau en Chine et participe à la création d’un pont aérien inédit pour acheminer du matériel médical en France.
La grande famille du luxe joue la solidarité nationale
Depuis, les grandes maisons enchaînent les opérations commando pour montrer qu’elles contribuent activement à la solidarité nationale dans le cadre de la lutte contre le covid-19. Le groupe Kering fait un don de deux millions d’euros à l’Italie. Les ateliers de Balenciaga, Gucci et Saint Laurent fabriquent des masques, Chanel finance des structures hospitalières à hauteur de 1,2 million d’euro, Hermès offre 20 millions d’euros à l’AP-HP, L’Oréal commande des centaines de respirateurs etc.
« Oui, on peut y voir un concours d’ego. Mais, honnêtement, pour une fois que cela sert quelque chose de plus grand que nous », déclarait dernièrement Cédric Charbit, le directeur général de Balenciaga. Pour Benoît Heilbrunn, professeur à l’ESCP Europe, «c’est une occasion inespérée de montrer l’utilité du luxe. Et cela tombe au moment opportun où tous ces conglomérats se posent la question de leur rôle social».
Si la crise sanitaire a révélé l’héroïsme des « invisibles » (soignants, caissières, livreurs…) et l’inégalité flagrante de la population face au confinement, elle a aussi permis aux entreprises du luxe, souvent décriées pour leur futilité, de se racheter une une conscience et une utilité.