Malgré l’interdiction de manifester, ils étaient plus de 10 000 dans les rues pour réclamer un changement profond du paysage politique thaïlandais.
Cela fait maintenant plusieurs semaines que la contestation monte dans les rues de la capitale. Si le pays est habitué aux situations politiques instables et aux coups d’états, cette vague de manifestations présente des caractères inédits.
Selon RFI, les manifestants demandent avant tout un changement constitutionnel. Les réclamations principales sont de rendre le pays plus indépendant du pouvoir militaire ainsi que la démission du premier ministre. En poste depuis le coup d’état de 2014, il s’agit de Prayuth Chan-o-cha, un général militaire.
Plus étonnant, les manifestants, principalement des jeunes urbains et des étudiants, osent pour la première fois s’attaquer à la personne sacrée du roi. Le pays dispose en effet d’une des lois de lèse-majesté les plus strictes au monde : critiquer le roi peut être puni d’une peine de prison de 3 à 15 ans. Tous ne souhaitent cependant pas son départ mais simplement une limitation de ses pouvoirs.
La Thaïlande est en théorie une démocratie, reposant sur une monarchie constitutionnelle. Mais dans les faits, la situation est sensiblement différente. Le pouvoir est en réalité détenu par le roi et l’armée qui nomment l’intégralité du Sénat. Le régime se rapproche donc plus d’une dictature militaire où le roi est considéré comme intouchable. Aujourd’hui, c’est avant tout la personnalité du roi qui semble ternir son image auprès du peuple.
En effet, Rama IX, le roi précédant, était très apprécié de la population avec laquelle il entretenait des relations cordiales. Fort de nombreuses réalisations pour sortir de la pauvreté les villages ruraux du pays et dénonçant la corruption de certains membres du gouvernement, il était même l’un des dirigeants thaïlandais les plus appréciés de l’histoire.
A sa mort en 2016, c’est son fils, Rana X, qui a pris sa place. En rupture totale avec l’attitude pleine de retenue de son père, il s’entend à dépenser sans compter sa fortune personnelle ainsi que celle du royaume. Son mode de vie controversé a donc fait émerger une série de contestations anti monarchistes pour la première fois de l’histoire du pays.
Si les manifestations sont pour le moment restées pacifiques, il n’est pas dit qu’elles le restent. Une douzaine d’opposants politiques ont en effet été arrêtés et emprisonnés ces derniers mois. En signe de révolte, une plaque symbolisant le pouvoir du peuple a été installée le 20 septembre. Elle faisait référence à une plaque similaire installée à la fin de la monarchie absolue en 1932, et a été retirée par les autorités dès le lendemain. Il s’agit désormais d’un élément de preuve pour engager une action judicaire contre ceux qui l’ont installé.
Par Léa Meira