L’adolescente de 16 ans, menacée de viol et de mort à la suite d’une vidéo où elle avait vivement critiqué l’islam en janvier 2020, va publier un livre le 23 juin chez les éditions Grasset.
Mila y évoque son enfance, sa vie d’avant et celle d’après ainsi que ses passions, à savoir : (le dessin, le maquillage artistique, la musique…), les réseaux sociaux et leur violence, mais aussi Dieu, le sexe, l’amour et la liberté d’expression.
Cette dernière, visée par de nombreuses menaces de mort après avoir mis en ligne des vidéos polémiques sur l’islam, publie en juin un livre où elle revient sur cette affaire. « Je suis le prix de votre liberté » est le titre de son ouvrage où l’adolescente « raconte son parcours » et « décrit la violence d’une époque intoxiquée aux réseaux sociaux », a indiqué l’éditeur dans un communiqué à l’AFP le mardi 25 mai.
Affaire Mila : Treize personnes jugées devant le tribunal correctionnel de Paris
Ce jeudi 3 juin, treize prévenus comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir harcelé en ligne et pour certains, menacés de mort la jeune femme.
L’origine de l’affaire
L’affaire remonte au 18 janvier 2020 quand l’adolescente de 16 ans ouvre une discussion vidéo en direct avec les abonnés de son compte Instagram. Elle y discute de sa vie privée et de ses préférences amoureuses. Au fil de la discussion, les échanges s’orientent sur la religion et Mila assume toutes les « rejeter ». Elle publie une story pour justifier ses propos et c’est cette vidéo qui déclenche un torrent d’insultes à son égard. Elle y déclare : « Je déteste la religion, (…) le Coran il n’y a que de la haine là-dedans, l’islam c’est de la merde. (…) J’ai dit ce que j’en pensais, vous n’allez pas me le faire regretter. Il y a encore des gens qui vont s’exciter, j’en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, ce que je pense. Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du c**, merci, au revoir. »
Mila aurai reçu près de 100 000 messages haineux
La vidéo est enregistrée, diffusée et commentée sur différents réseaux sociaux et les internautes s’enflamment avec de plus en plus de messages de haine qui lui sont adressés. L’adolescente se défend et met en avant le droit au blasphème, revendication appuyée par le président Emmanuel Macron qui avait déclaré que la loi était claire : « Nous avons droit au blasphème, à critiquer, à caricaturer les religions. »
Ce jeudi 3 juin, son avocat, Maître Richard Malka, a expliqué à Radio France que la jeune fille a reçu près de 100 000 messages haineux : « Jamais dans l’histoire de ce pays une jeune fille n’a reçu 100 000 messages haineux, avec évidemment une connotation sexiste, homophobe. »
Son témoignage dans l’émission « Quotidien »
Le 3 février 2020, en pleine polémique, Mila est l’invitée de l’émission « Quotidien » pour évoquer sa situation pour la première fois depuis le début de l’affaire. Elle explique « ne rien avoir fait de mal » et poursuit : « Il y a deux choses que je regrette dans cette histoire : c’est de l’avoir dit sur les réseaux sociaux, je n’avais pas conscience de l’ampleur que ça pouvait prendre, et de l’avoir dit de manière aussi vulgaire », avant de revenir sur son droit à critiquer une religion, mais pas des personnes : « Les gens qui ne sont pas capables de faire cette différence, ils sont débiles. »
« Ma vie est clairement en pause », explique-t-elle avant de raconter qu’elle était déscolarisée depuis le début de l’affaire : « Je n’étais pas en sécurité dans mon établissement. Vu les menaces que j’ai reçu des personnes de mon lycée, j’aurais pu être brûlée à l’acide, me faire frapper. J’étais menacée d’être déshabillée en public, d’être enterrée vivante. C’était parti vraiment loin. »
En juin 2020, ses parents dénoncent « l’inertie » de l’Éducation nationale après une déscolarisation de quatre mois. Ils ont ajouté que tous les établissements du secteur public de la région affirmaient ne pas être en mesure d’assurer la sécurité de l’adolescente.
Dans son intervention ce jeudi 3 juin, Maître Richard Malka est revenu sur sa situation actuelle : « Elle, elle reste confinée aujourd’hui et pour plusieurs années. Elle, elle ne peut pas aller en terrasse. C’est la première fois dans l’histoire de ce pays qu’une jeune femme de cet âge-là fait l’objet d’une protection policière 24 heures sur 24. »
Une nouvelle vidéo critique envers l’islam
Le 14 novembre 2020, l’adolescente repartage sur le réseau TikTok une vidéo où elle s’en prend à ses harceleurs en y déclarant notamment : « Et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s’il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du c** je ne les ai toujours pas sortis. »
Une nouvelle vague de menaces se déferle alors sur l’adolescente : « qu’elle crève », « tu mérites de te faire égorger » ou « je vais te faire une Samuel Paty ». Elle est exclue de son nouveau lycée militaire après avoir par mégarde cité le nom de l’internat où elle vivait. La classe politique reprend l’affaire en mains et de nouvelles charges sont retenues contre les auteurs des menaces.
Des premières retombées judiciaires
Le parquet de Vienne (Isère) avait ouvert mi-novembre une enquête pour « menaces de mort par écrit et harcèlement électronique », après la publication de cette nouvelle vidéo. Le parquet s’était dessaisi de l’affaire, début décembre, au profit du pôle national de lutte contre la haine en ligne du tribunal judiciaire de Paris.
Le 9 février 2021, cinq personnes, âgées de 18 à 30 ans, dispersées sur le territoire français, sont placées en garde à vue pour cyberharcèlement et menaces de mort. Dans les semaines suivantes, d’autres auteurs de menaces s’ajoutent à ce groupe. Les prévenus sont tous renvoyés devant le tribunal correctionnel et comparaissent ce jeudi 3 juin. Auparavant, deux personnes avaient déjà été condamnées à des peines de prison pour avoir menacé de mort la jeune fille.
Le procès de « la terreur numérique »
Ce jeudi 3 juin, 13 prévenus comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir harcelé en ligne l’adolescente. Ils assurent n’avoir « rien fait », juste « envoyé un message » sur les réseaux sociaux. Les prévenus sont dix hommes et trois femmes, musulmans, chrétiens ou athées, de toute la France avec un casier judiciaire vierge pour la plupart.
« Ce procès est celui de la terreur numérique qui déchaîne des meutes sexistes, homophobes, intolérantes contre une adolescente », avait estimé auprès de l’AFP Richard Malka. L’avocat assure que « Mila n’a fait qu’exercer son droit à la critique de la religion. Elle n’a jamais tenu de propos racistes, juste utilisé un vocabulaire un peu vulgaire d’adolescente ».
Les treize jeunes hommes et femmes jugés jeudi sont renvoyés en majorité pour un seul message parmi les milliers d’insultes et menaces reçues par Mila. « Sur plusieurs milliers de tweets, on a identifié quelques-uns (des auteurs) et ce sont ceux-là qui sont poursuivis (…) On fait assumer à celui qui a fait un tweet la totalité des menaces des autres. », regrette Maître Gérard Chemla, un avocat d’un des prévenus.
Les prévenus encourent deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour le harcèlement en ligne, trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour les menaces de mort.
Mila compte bien faire face à ses harceleurs au procès. « Elle veut voir les visages de ceux qui se cachent derrière des écrans ou des pseudonymes. Elle veut voir comment ils vont réagir », explique son avocat Me Richard Malka dans le Figaro.
Sur Twitter, Mila a annoncé elle-même le procès. « Je compte sur la Justice pour condamner fermement toute personne qui menace dans le but d’empêcher la critique de l’Islam, a-t-elle indiqué. Je compte sur vous tous, qui me soutenez. Ensemble, refusons de vivre dans la peur ».
Son dernier témoignage dans l’émission « Sept à Huit »
Dans une interview diffusée ce dimanche 13 juin sur TF1 dans « Sept à Huit », Mila, devenue la figure du cyberharcèlement, livre son ressenti sur un avenir dont elle « ne sait même plus quoi penser ». « Quand on me demande ‘tu te vois comment dans cinq ans ?’ Je me vois peut-être grande brûlée, peut-être avec une jambe arrachée, ou peut-être morte. Peut-être que je serai morte dans cinq ans. Je ne vais forcément pas rester en vie. Je ne suis pas capable de voir mon avenir comme les autres. », lâche-t-elle devant les caméras de TF1.
Mila, 18 ans aujourd’hui, vit sous haute protection policière et est déscolarisée. Elle insiste sur « la lâcheté » de l’État vis-à-vis de cette problématique. « Malgré moi, je porte sur mes épaules le combat qu’un pays entier devrait mener. Celui de la liberté d’expression. Devoir supporter un tel poids à mon âge est révoltant. Je suis abandonnée par une nation fragile et lâche ».
L’adolescente refuse cependant de se présenter comme « plus courageuse, plus forte que les autres parce que ce n’est pas le cas. » « Je suis vue comme un symbole, parce que je continue de m’exprimer comme bon me semble, estime-t-elle. En revanche, je reste une jeune femme qui ne sait même pas quoi penser de son avenir à l’heure qu’il est. »
Dans le JDD, la jeune femme évoque notamment son échec scolaire et sa difficulté à voir ses amis car « certains ne veulent plus trop me voir parce qu’ils n’aiment pas se sentir surveillés ». « J’ai accumulé tellement de peine depuis dix-huit mois. Des gens se vantent de m’avoir fait prisonnière ».
Le 3 juin dernier, le procès s’est ouvert mais a été renvoyé au 21 juin, après l’examen de questions de procédure. La justice devra se prononcer sur la transmission ou non à la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalités (QPC) soulevées par l’avocat d’un des prévenus. S’il ne faisait pas droit à la demande de la défense, le procès se poursuivrait, avec l’examen du fond de l’affaire sur deux jours, les 21 et 22 juin.
Par Emma Forton