Sortie hors de l’ISS de Thomas Pesquet : Un retour à l’intérieur et une mission partiellement accomplie

La Station Spatiale Internationale / Twitter @NASA

Thomas Pesquet et son co-équipier, l’astronaute américain Shane Kimbrough, sont sortis dans l’espace ce mercredi 16 juin. Pendant plus de sept heures, ils ont tenté d’installer un nouveau panneau solaire en dehors de l’ISS mais la mission a été troublée par plusieurs contretemps.


L’astronaute français, Thomas Pesquet, a entrepris ce mercredi 16 juin, sa première sortie extravéhiculaire (EVA) dans le cadre de la mission Alpha à bord de la Station spatiale internationale. Il a passé l’après-midi et le début de soirée dans le vide spatial pour y installer un nouveau panneau solaire avec l’Américain Shane Kimbrough.

Si la mission n’a pas pu être accomplie comme cela était prévu, les deux astronautes ont regagné, sans encombre, l’intérieur de la Station spatiale internationale. Les astronautes avaient mis en route la batterie interne de leur combinaison à 14h11 (heure française), marquant le début officiel de leur expédition qui s’est achevée sept heures et quinze minutes plus tard, à 21 heures 26.

Une mission qui avait pour objectif de fixer un panneau solaire nouvelle génération, appelé « iROSA », le premier d’une série de six panneaux destinés à augmenter les capacités de production d’énergie de l’ISS. Le nouveau panneau solaire mesure 19 mètres de long et sera superposé au-dessus de l’un des anciens panneaux de 35 mètres de long. Cet ancien panneau solaire avait été installé en 2000 et sa durée de vie était estimée à une quinzaine d’années. Il a peu à peu été abîmé par deux facteurs : les émissions des vaisseaux allant et venant vers la station, et les micrométéorites. « Nous pensions que les dégradations seraient bien pires que ce que nous avons effectivement constaté », a souligné Dana Weigel, responsable à la NASA pour l’ISS, rapporte Le Monde. Les nouveaux panneaux solaires devraient également avoir une durée de vie d’environ quinze ans.

Des problèmes sur la combinaison de Kimbrough et sur le déploiement du panneau solaire

A mi-parcours, la mission a dû être temporairement mise sur pause suite à quelques soucis : Tout d’abord, c’est la combinaison de Shane Kimbrough qui a été victime d’un problème. Les équipes de la Nasa ont observé une interruption dans la transmission des données permettant de contrôler l’état de son scaphandre, ainsi qu’un soudain pic de la pression de son système de refroidissement. L’astronaute a dû revenir au sas de la Station et opérer une réinitialisation, avant de ressortir. Pendant ce temps, Thomas Pesquet l’attendait, accroché par les pieds à un bras robotique.

La mission a finalement repris, les données de contrôle étant stabilisées mais une précieuse heure a été perdue. Shane Kimbrough n’a à aucun moment été « en danger », a rassuré la Nasa. Les deux astronautes ont ensuite déplacé le panneau solaire, replié sur lui-même en un gros rouleau d’environ 350 kg, jusqu’à l’endroit où il devait être installé. Ils l’ont fixé et ont tenté de le déplier, mais un problème d’alignement est venu interférer avec le mécanisme, empêchant son déploiement. Ils ont alors regagné l’intérieur de la Station.

Une opération inédite et complexe sur le plan technique

Sur les images de la NASA, la manœuvre semble presque simple pour Thomas Pesquet et Shane Kimbrough qui se déplacent sur l’ISS avec une certaine aisance et une rapidité impressionnante. Les scientifiques du CNES (Centre national d’études spatiales) nous rappellent alors que la performance des deux astronautes est très technique et exige de grandes capacités physiques. Les astronautes se sont préparés durant presque 10 ans pour être à la hauteur. La répétition de plongées dans des piscines leur a permis de se retrouver dans des conditions comparables et de se préparer à cette épreuve.

Cette sortie extravéhiculaire, la première depuis leur arrivée dans l’ISS fin avril, était inédite sur le plan technique. « Une EVA revient à courir un 100 mètres sur la durée d’un marathon », a expliqué à l’AFP Hervé Stevenin, chargé de l’entraînement à ces sorties pour l’Agence spatiale européenne (ESA). « Travailler en scaphandre est extrêmement difficile. Tous les sens sont limités, on manque de dextérité avec les gants : tenir un outil, c’est comme presser une balle de tennis, des centaines de fois pendant six heures. », a décrit l’instructeur.

Depuis le début de l’opération, les astronautes sont toujours en communication avec la base de la NASA située à Houston aux Etats-Unis. Depuis le programme Mercury (le programme spatial qui a envoyé le premier Américain dans l’espace), une seule personne peut communiquer avec les astronautes en mission et cette voix est celle de l’astronaute canadienne Jennifer Sidey. « Vous avez fait un travail fantastique aujourd’hui », leur a-t-elle assuré au terme de l’opération. « C’était une EVA compliquée », a-t-elle reconnu.

Selon François Derache, ingénieur du CNES, « passer par le CAPCOM (le nom de ce contrôleur des communications) est presque obligatoire » dans la carrière d’un astronaute. Cette communication est primordiale car elle permet de guider les astronautes qui en ont bien besoin quand il s’agit de manier une visseuse dans l’obscurité d’une nuit qui dure seulement 45 minutes. « Le CAPCOM est généralement occupé par un ou une astronaute car, en quelque sorte, il va être ‘les yeux’ des astronautes en mission, il faut donc connaître un minimum de choses » ajoute François Derache.

Des risques anticipés : une sécurité maximale

Une « triple sécurité », incluant notamment un câble reliant en permanence les astronautes à la Station, empêche le scénario cauchemardesque d’astronautes tombant dans le vide, assure l’Agence spatiale européenne. D’autres incidents peuvent survenir comme la perte d’étanchéité du scaphandre en cas d’impact de micro-météorite ou encore le système de refroidissement qui peut aussi s’écouler dans le système de ventilation.

Les astronautes, lors de sorties extravéhiculaires, sont en permanence exposés à de multiples dangers. « Il y a bien sûr de multiples dangers, décrit François Derache. Pour cette mission, le risque électrique est le plus important […] ils ne peuvent pas par exemple déployer le panneau solaire lorsqu’il fait jour, il faut faire attention où on met les mains ». C’est au CAPCOM de rappeler aux astronautes de ne pas toucher certains endroits, il demande aussi des chiffres comme la pression pour s’assurer de ne pas avoir de problème de pressurisation.

La troisième sortie de sa carrière

Le Français connaît le terrain, arpenté à deux reprises durant sa précédente mission en 2017, avec le même coéquipier. Il s’agit pour lui de la troisième de sa carrière et cette fois, les rôles sont inversés : lui sera « EVA 1 » et Shane Kimbrough « EVA 2 ». « Le n°1, c’est le chef en gros. Maintenant je ne suis plus le petit jeune », a commenté l’astronaute de 43 ans. « J’ai hâte que Thomas soit dans ce rôle et d’être un bon soutien », a tweeté son collègue de 54 ans.

Thomas Pesquet comptabilise désormais 19 heures et 47 minutes passées en sortie spatiale. C’était la septième pour Shane Kimbrough, et la 239e dans l’histoire de l’ISS, qui file en orbite à 400 kilomètres au-dessus de la Terre.

La Nasa doit désormais décider de la suite des événements : dimanche, les astronautes finiront-ils l’installation du premier panneau, ou s’attelleront-ils au deuxième, comme prévu initialement ?

Par Emma Forton

La Rédaction: