Présidentielle 2022. Retour sur le premier débat entre les cinq candidats de la primaire écologiste

Le premier débat entre les cinq candidats de la primaire écologiste sur France Inter avec France Info / Capture France Info

Delphine Batho, Jean-Marc Governatori, Yannick Jadot, Eric Piolle et Sandrine Rousseau, les cinq candidats à la primaire écologiste, ont donné un premier débat public ce dimanche 5 septembre pendant près de deux heures en direct de l’Auditorium de Radio France.


Les cinq candidats ont débattu lors de l’émission « Questions politiques » organisée par France Inter, France Télévisions et Le Monde, avant le premier tour de la primaire écologiste qui se déroulera en ligne du jeudi 16 au dimanche 19 septembre. Qui incarnera les couleurs de l’écologie à l’élection présidentielle de 2022 ? Deux femmes et trois hommes sont sur la ligne de départ et se disputeront les faveurs des électeurs.

Cette consultation est organisée par les différentes composantes du pôle écologiste : le parti Europe Ecologie-Les Verts (EELV), mais aussi Génération.s, le Mouvement des progressistes, Génération écologie et l’Alliance écologiste indépendante.

Avec sa percée aux européennes en 2019, Yannick Jadot semble être le grand favori de ce scrutin. De son côté, Éric Piolle, maire de Grenoble depuis 2014 et réélu en 2020, dispose de nombreux soutiens au sein d’EELV. Les deux candidats auront face à eux trois adversaires : la députée Delphine Batho, ancienne ministre de l’Ecologie, Sandrine Rousseau, ex-numéro 2 d’EELV et enfin le centriste Jean-Marc Governatori. Ce dernier, qui partage la présidence de Cap écologie avec l’ex-ministre Corinne Lepage, avait été dans un premier temps écarté de cette primaire pour cause de parrainages insuffisants. Il est tout de même parvenu à la réintégrer par voie de justice lui conférant en conséquence une position loin d’être acceptée par toute la sphère écologiste. A cela s’ajoutent ses positions ambiguës vis-à-vis du vaccin et du pass sanitaire.

Selon un sondage Ipsos-Sopra Steria publié le samedi 4 septembre pour Franceinfo et Le Parisien/Aujourd’hui en France,  à la question « quelle personnalité ferait le meilleur candidat écologiste en vue de l’élection présidentielle de 2022 ? » ; 69% des sympathisants EELV répondent par le nom de Yannick Jadot. Il apparaît ainsi loin devant l’ancienne porte-parole du parti Sandrine Rousseau (11%), la présidente de Génération écologie et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho (8%), le maire de Grenoble Éric Piolle (7%) et le co-président de Cap écologie et candidat malheureux aux régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur Jean-Marc Governatori (4%).

Un débat sans opposition frontale

« J’appelle les Français à s’emparer de cette primaire, à s’emparer de l’écologie », a lancé Yannick Jadot, rappelle Franceinfo. Les cinq candidats en lice ont opposé leurs points de vue sans pour autant s’attaquer frontalement. « Je ne participerai pas à nous abîmer collectivement avec une primaire où les phrases assassines prendraient le dessus », a d’ailleurs prévenu Yannick Jadot.

« Il faut arrêter les chipatouillages », affirme le maire de Grenoble Éric Piolle, qui estime que les cinq candidatures sont proches sur le fond. « Notre différence c’est la façon dont nous voulons conduire le projet », a-t-il conclu selon RTL. Seul l’entrepreneur Jean-Marc Governatori a apporté un bémol à cette coexistence pacifique, en jugeant que « Sandrine Rousseau représente la gauche de la gauche. Si elle gagne et que je la soutiens, ça lui porte préjudice ». Les cinq prétendants ont plutôt misé sur leurs propositions pour tenter de convaincre les sympathisants écologistes.

La décroissance

« Le vote de la primaire est un vote pour ou contre la décroissance », a assuré Delphine Batho. L’ancienne ministre de l’Ecologie a tenté à plusieurs reprises de ramener le débat sur le sujet de la décroissance, concept qu’elle porte dans cette campagne. Face au changement climatique, « nous sommes dans une situation d’urgence dont il faut tirer les conséquences », a expliqué Delphine Batho. Elle prône donc une « politique de décroissance » qui « améliore le bien-être humain », selon Franceinfo.

Selon elle, la France doit abandonner « l’obsession pour la croissance du PIB » pour « désormais baser ses politiques publiques sur d’autres objectifs : la pleine santé, la lutte contre la pauvreté, le niveau d’éducation, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la régénération de la biodiversité ». Elle finit par conclure que « L’obsession de la croissance économique est ce qui est opposé depuis des décennies à toute décision pour le climat, pour le vivant, pour la santé. Ce logiciel-là est épuisé ».

Les autres candidats ont tous insisté sur l’urgence environnementale, mais n’ont pas repris le concept de décroissance à leur compte. « Je n’aurais pas employé le mot décroissance, parce qu’effectivement il est peu audible pour les dix millions de Français qui sont sous le seuil de pauvreté, a notamment répondu Jean-Marc Governatori. Mais oui, il est indispensable de revoir nos modes de vie ».

La laïcité

Tous les candidats se sont levés pour défendre « le droit au blasphème », sauf Jean-Marc Governatori qui a notamment critiqué les déclarations faites par Emmanuel Macron au Liban sur « la liberté de blasphémer ». « Un président est là pour apaiser, pas pour provoquer », a-t-il estimé. « Le droit au blasphème ne se discute pas, lui a répondu Sandrine Rousseau. Il n’y a même pas débat. On a le droit de se moquer de toutes les religions ».

La sortie du nucléaire

Yannick Jadot a défendu la sortie du nucléaire à un horizon de quinze à vingt ans. « Nous sommes des écologistes responsables. Être responsable vis-à-vis du nucléaire, c’est s’organiser pour éviter la catastrophe », a dit le candidat en citant la catastrophe de Fukushima et l’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse). Tout en sortant du nucléaire, l’eurodéputé souhaite « déployer des énergies renouvelables » : « dépendre du soleil, du vent, de la géothermie, dépendre de nos déchets, des énergies marines, c’est quand même mieux que de dépendre de Poutine, des pétromonarchies du Golfe ou de l’importation d’uranium du Niger », a-t-il déclaré.

« Il faut enclencher le processus » de sortie du nucléaire, juge également Jean-Marc Governatori. Mais « on ne peut pas dire quand » la France pourra abandonner ce modèle énergétique, nuance-t-il, « ça peut être dans dix ans, ça peut être trente ans ».

Interrogé sur le risque de perdre les 220 000 emplois liés à la filière nucléaire, Eric Piolle a mis en avant les emplois créés par la transition énergétique, dont il estime le nombre à 1,5 million.

Le financement de la transition écologique

Les candidats ont exposé leurs solutions pour financer la transition écologique et ont parfois été flous dans leur chiffrage. Delphine Batho a ainsi refusé de détailler ses chiffres, estimant que son programme devrait être construit avec les citoyens après la primaire. Elle a évoqué les « 8 à 9 milliards » de financements dédiés à la Politique agricole commune.

Pour trouver des sources de financement, Sandrine Rousseau propose une mesure fiscale en augmentant le prix de la tonne de carbone qui porterait sur les entreprises. « Le carbone est aujourd’hui gratuit (…) Il faut absolument rendre ce qui nous met en danger payant, entre 200 et 250 euros la tonne sur les cinq ans, estime la candidate. Je sais, ça ne va pas être agréable ».

A plusieurs reprises, les candidats ont assuré que la transition écologique s’accompagnerait de justice sociale et d’une réduction des inégalités. Eric Piolle propose ainsi un « ISF climatique » pour « taxer les plus pollueurs des particuliers ». « Il nous faut faire payer ce qui est nuisible pour l’environnement », a-t-il estimé. « Nous saurons trouver l’argent pour la transition énergétique dans la justice sociale », a-t-il assuré.

Un changement de gouvernance

Les candidats écologistes ont tous exprimé des souhaits de changement dans la gouvernance et les institutions françaises. Interrogé sur la nécessité d’une gestion verticale en période de crise sanitaire, Eric Piolle a estimé que l’Allemagne s’en sortait mieux que la France avec une gouvernance plus collective. « Nous avons aujourd’hui en France 30 000 morts de plus, a-t-il déclaré. Il y a eu un retard dans la prise de décision ». En cas d’arrivée à l’Elysée, le maire de Grenoble propose un référendum afin d’instaurer la proportionnelle aux législatives et le référendum d’initiative citoyenne.

« Un homme politique n’a pas à dire : ‘Allez-vous faire vacciner’, la seule personne en France qui peut le faire, c’est le médecin », a déclaré de son côté Jean-Marc Governatori. Au lieu de revenir sur ses propos polémiques, il a préféré détailler son projet de réforme constitutionnelle avec l’installation d’un triumvirat de Premiers ministres. « On aurait un président de représentation, type Nicolas Hulot qui serait très bien, et trois Premiers ministres élus par l’Assemblée nationale, le Sénat et une troisième assemblée de citoyens tirés au sort », explique-t-il.

De son côté, Yannick Jadot a proposé « de mettre de la démocratie partout », avec une nouvelle phase de décentralisation, des référendums d’initiative locale, des conférences citoyennes. Delphine Batho a rappelé son souhait « d’abolir le présidentalisme » : « La France entrera dans l’ère des démocraties modernes, qui reposent sur un régime primo-ministériel avec un Parlement qui est souverain. (…) Il faut abattre la verticalité patriarcale de la Ve République ». « La Ve République est arrivée à bout de souffle », estime également Sandrine Rousseau. Elle souhaite renforcer les moyens de la justice et la presse, « deux contre-pouvoirs qui ont été bien abîmés pendant ce mandat ».

30 000 inscrits

Ce sont 30 000 sympathisants qui se sont inscrits sur le site pour pouvoir voter à cette primaire ouverte, un chiffre supérieur à celui de la primaire organisée en 2016 mais nettement loin de l’afflux espéré par certains qui attendaient 100 000 participants. Pour Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, « le nombre n’importe pas vraiment », l’enjeu étant plutôt pour lui « les débats télévisés qui peut-être apporteront une audience », rapporte Franceinfo. Les citoyens qui souhaitent apporter leur voix à cette primaire ont jusqu’au 12 septembre pour s’inscrire. Les cinq candidats débattront de nouveau mercredi et vendredi.

Par Emma Forton

La Rédaction: