Dans le village de Saint-Médard-de-Guizières (Gironde), un enfant n’a pas pu manger à la cantine de son école parce que ses parents ne payaient plus la cantine depuis deux ans. Jeudi dernier, l’enfant a été raccompagné à son domicile par un policier municipal à l’heure du déjeuner. Cette affaire suscite une vive polémique depuis quelques jours.
Un enfant de sept ans a été reconduit chez lui par la police ce jeudi 9 septembre, en Gironde car ses parents ne réglaient plus les frais de cantine depuis deux ans. La décision a été prise par la mairie après des factures impayées s’élevant à presque 900 euros.
350 à 400 repas non payés
La maire de la commune, Mireille Conte-Jaubert, a affirmé dimanche dans le journal Sud-Ouest qu’elle sollicitait la mère de l’enfant « depuis 2019 » au sujet de cet impayé. La dette représenterait « 350, voire 400 repas », a expliqué l’élue.
Contactée par 20 Minutes, la maire de la petite commune reste droite dans ses bottes : « Je ne regrette rien parce que les conditions dans lesquelles cet enfant a été récupéré sont plus qu’honorables et douces. On lui a dit que sa maman avait oublié de lui dire qu’il ne mangeait pas à la cantine et que comme elle connaissait le policier municipal, elle lui avait demandé de venir le récupérer ». Elle va jusqu’à assurer que certains de ses camarades l’ont trouvé chanceux de monter dans la voiture de police. « Cet enfant n’a pas été traumatisé que ce soit le policier municipal qui le ramène, il est traumatisé par tout le battage que sa mère a généré autour de cette histoire », estime l’élue, persuadée d’avoir opté pour la solution « la moins pénalisante pour l’enfant ».
La maire estime avoir été suffisamment patiente. « J’ai fait une note avant la rentrée des classes, pour dire que si les dettes de cantine n’étaient pas régularisées, je ne pourrai pas accepter les enfants. La majorité des parents a cherché et trouvé une solution pour régulariser sa dette. Sauf elle, qui s’est montrée agressive et assez menaçante à mon égard en me disant que si je ne gardais pas son enfant à la cantine, elle ne paierait pas sa dette. Il n’y avait pas vraiment de solution pour lui faire entendre raison ». La mairie l’aurait sollicité pour trouver un échéancier éventuel, en lien avec le Trésor Public qui prend le relais sur ce type de dossier, mais en vain.
L’élue ne cache pas sa colère, surtout devant le soutien que la mère de famille a obtenu auprès d’autres parents d’élèves. « Elle est en train de créer un précédent puisque j’ai des parents qui ne veulent plus payer la cantine compte tenu de ce qu’elle a fait. Un élan de solidarité s’est créé autour d’elle. Je passe pour la vilaine en ce moment mais j’assume complètement et cela ne me pose aucun cas de conscience ».
Une scène humiliante pour l’enfant
Interrogée par CNEWS, la maman de l’écolier ne conteste pas les impayés mais dénonce la méthode utilisée pour s’en prendre à elle à travers son fils qui n’a rien demandé. « Je ne trouve pas ça normal d’humilier un enfant parce que lui en soi, il a quoi à voir dans l’histoire ? Elle pensait quoi en le virant ? Qu’il allait payer la cantine avec ses petits sous ? », s’indigne-t-elle. « Quand le policier est venu, avec bienveillance, ce sont les élèves qui criaient « en prison, en prison. Mettez les sirènes », des dialogues d’enfants qui ont fait du mal », rappelle France 3.
Comme l’explique Virginie Lanlo, coprésidente du groupe de travail sur la restauration collective à l’association des maires de France (AMF) et première adjointe chargée de l’éducation à Meudon, à 20 Minutes, « même quand on est face à des impayés, ce n’est pas aux enfants de subir ces situations car ils n’y sont pour rien. On a des coûts mais on a la responsabilité des enfants et il nous appartient de travailler avec la famille pour trouver une solution au lieu de l’enfoncer et de conduire à une humiliation ».
L’ouverture d’une enquête par la Défenseure des droits
Est-ce légal de priver un enfant de cantine en raison d’un impayé ? Ce genre de situations s’est déjà déroulé en 2013, au Pays basque. Mais selon la loi, « l’inscription à la cantine des écoles primaires est un droit pour tous les enfants scolarisés sans discrimination selon leur situation ou celle de leur famille », rappelle Franceinfo.
L’affaire a fait grand bruit et dès ce lundi, la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’est « saisie d’office » afin d’enquêter sur la situation de cet enfant et de sa famille. « Les enfants doivent être laissés à l’écart des conflits entre leurs parents et l’administration », a rappelé Claire Hédon dans un communiqué. « C’est une atteinte fondamentale aux droits de l’enfant. L’intérêt de l’enfant doit primer en toutes circonstances, en aucun cas un enfant ne doit être humilié », a-t-elle déclaré.
Selon Le Monde, dans un rapport publié en juin 2019, le Défenseur des droits avait déjà appelé à « bannir la pratique du “déjeuner humiliant” visant à servir aux enfants des menus différenciés afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions ».
Claire Hedon explique que des solutions alternatives auraient pu être mises en œuvre.
Des parents d’élève divisés sur la question
Les parents d’élèves sont divisés. Certains assurent qu’« il n’y avait pas d’autre solution » et que la maire de la ville est « une personne généreuse qui fait tout ce qu’elle peut pour ses administrés ».
D’autres, dans un élan de solidarité, prennent le parti de la mère de l’enfant : nombreux sont ceux qui, ce lundi matin, ont appelé la mairie pour régler les dettes de la famille. Les parents d’élèves interrogés devant l’école par les journalistes de France Télévisions sont « révoltés par ce geste qui aurait pu traumatiser l’enfant ».
Par Emma Forton