C’est ce vendredi 19 novembre qu’Alexandre Rochatte, actuel préfet des îles de la Guadeloupe, a décrété la mise en place immédiate d’un couvre-feu sur le territoire ultra-marin, depuis cinq jours embrasé par de vives tensions. Une mesure forte, et loin de faire l’unanimité.
Riposte du gouvernement face à la fronde populaire. Alors que le conflit entre les grévistes et les forces de l’ordre bat son plein depuis lundi dernier, la préfecture a décidé hier d’un nouveau couvre-feu en Guadeloupe. Non pas dans un but directement sanitaire, cette fois, mais dans l’optique de mettre fin aux violentes émeutes ayant eu lieu ces derniers jours.
La mesure a pris effet immédiatement. Les habitants du département français n’ont ainsi plus le droit de circuler librement de 18 heures jusqu’à 5 heures du matin, de ce vendredi 19 jusqu’à mardi 23 novembre. Une situation qui ne manque pas d’agacer les Guadeloupéens comme les touristes actuellement sur place.
Un contexte social extrêmement tendu
Cela fait plusieurs mois que la grogne monte et que les positions se radicalisent aux Antilles. Il y a encore quelques semaines, de violents affrontements éclataient déjà entre les manifestants et les gendarmes devant le CHU de Fort-de-France en Martinique. En toile de fond de ce conflit, le refus du personnel de santé de se soumettre à l’obligation vaccinale. Face à la colère des employés du centre hospitalier, d’une certaine partie des pompiers de l’île et des indépendantistes, le gouvernement avait alors décidé de repousser la date de mise en application de la mesure du 24 octobre dernier au 31 décembre prochain.
En Guadeloupe, une grève générale a été lancée depuis ce lundi. Si les questions du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale restent actuellement au cœur des revendications, les doléances du mouvement ne s’arrêtent pas à ces seuls points. En plus de la colère sur la question sanitaire, c’est un ressentiment beaucoup plus global concernant la dégradation des conditions de vie qui s’exprime ces derniers jours, selon le président du conseil régional, Ary Chalus. Sont mis en cause, entre autres, les questions du chlordécone, la mauvaise gestion du système hospitalier, les coupures fréquentes d’eau courante, et un sentiment de mépris, d’abandon de la part de l’Hexagone. Une colère profonde et ancienne qui a abouti, au cours de cette semaine, à des soirées entières d’échauffourées particulièrement brutales sur une grande partie du territoire.
Deux nuits particulièrement agitées et mise en place du couvre-feu
Les nuits de jeudi à vendredi et de vendredi à samedi ont ainsi été profondément tendues. Afin de témoigner de leur mécontentement, les grévistes ont mis en place plusieurs barrages, se sont attelés à filtrer l’accès aux hôpitaux et s’en sont pris de façon violente aux forces de l’ordre… Dans le chaos qui régnait à plusieurs endroits, certains individus mal intentionnés se sont mis à incendier des véhicules, des immeubles. Des magasins ont également été vandalisés et pillés.
Face à ces débordements, le gouvernement a décidé de réagir par le biais de son préfet. C’est ainsi que ce dernier a annoncé l’application de fortes restrictions sur tout le territoire de la Guadeloupe à l’exception de la Désirade, de Marie-Galante et des Saintes.
Le gouvernement ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là. Suite à une réunion d’urgence s’étant tenue ce samedi à 18h, le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, vient d’annoncer l’envoi d’une cinquantaine d’agents du GIGN et du RAID sur les lieux. Des renforts qui viennent s’ajouter aux 200 policiers et gendarmes qui se rendront en Guadeloupe dans les prochains jours.
Une décision qui ne passe pas auprès des habitants
Si les instructions semblent assez claires du côté des instances gouvernementales, il semble probable, selon les témoignages rapportés par Francetvinfo, qu’un certain nombre de Guadeloupéens n’aient guère l’intention de s’y plier. Pour un riverain de la commune de Sainte-Anne, par exemple, cette décision relève de la « provocation ». « Tous ces jeunes qui sont dans la rue, qui sont désœuvrés, vous croyez qu’ils vont rester chez eux ? On a jeté de l’huile sur le feu. » déclare-t-il ainsi aux journalistes de France TV.
Deux autres habitants avouent ainsi ne pas vouloir forcément tenir compte des restrictions imposées. Une femme interrogée, dit ainsi explicitement s’en « taper » (du couvre-feu). Quant à Axel, manifestant et gréviste, s’il avoue que le gouvernement n’avait certainement pas d’autre choix, dans un tel contexte, que de durcir le ton, et s’il regrette la présence de « brigands » n’ayant, selon lui, rien à voir avec le mouvement, il affirme également qu’il n’a aucune intention de respecter la mesure du gouvernement.
Par Chrisley Destin