Élue en 2020 dans la section peinture puis déplacée en octobre dernier dans la section gravure et dessin, c’est seulement le 30 novembre que Catherine Meurisse, autrice de bandes dessinées à succès, a été intronisée à l’Académie des Beaux-Arts, au fauteuil n°6.
La cérémonie s’est déroulée sous la coupole de l’Institut de France. Glissés dans une assistance réputée pour son sérieux, quelques visages connus, entre autres celui d’Antoine de Caunes, venu applaudir le talent de la femme du neuvième art à qui il avait donné la parole dans son émission Profession en 2020. La présence d’un membre éminent de la scène humoristique, en contraste avec l’austérité proverbiale de l’institution, témoigne du renouveau de l’Académie qui a élu Catherine Meurisse au premier tour de scrutin.
Coup de fraîcheur sur l’assemblée des immortels
Il faut dire que cette installation est signe d’une réelle cure de jouvence pour la maison des Immortels ; c’est la première fois que la bande dessinée, un genre créé au XXème siècle, reçoit le sacre officiel de l’Académie, grâce à l’une de ses plus brillantes représentantes. Longtemps déconsidérée par les tenants d’une culture plus traditionnelle et qualifiée d' »art mineur », la BD finit donc par entrer, après le cinéma et la photographie, par la grande porte de l’Institut de France. Adrien Goetz, chef de la cérémonie, le souligne avec joie dans son discours : » Avec vous, la bande dessinée, la caricature, le dessin de presse entrent à l’Académie des Beaux-Arts » a-t-il dit, parlant d’une institution « lente » mais toujours ouverte.
L’âge de Catherine Meurisse, quarante-deux ans, contribue aussi à faire souffler ce vent de jeunesse sur une académie dont les membres, ont, à ce que l’on dit, pour une bonne partie dépassé les soixante-dix-sept ans… Une information à vérifier au lendemain de l’adoubement de l’autrice de BD dont Adrien Goetz dit encore qu’elle est « celle par qui {l}e bonheur arrive ».
Une installation placée sous le signe de l’émotion
Lors de son discours, Catherine Meurisse a rappelé son parcours, ses idoles et sources d’inspirations, depuis les pionniers du genre comme Hergé, jusqu’aux mythiques Sempé ou Bilal, en passant par les incontournables, Claire Brétecher ou Gotlib. Enchaînant les références aux images et textes drôles de ses maîtres, bouillonnant d’émotions sincères, racontant ses souvenirs, Catherine Meurisse a fait passer l’assemblée du rire aux larmes tout au long de la cérémonie d’intronisation, ce 30 novembre.
Après les souvenirs joyeux, elle aborde le moment le plus douloureux de son engagement pour la liberté d’expression. Catherine Meurisse parle de ses premiers pas, et de son engagement en 2001 chez Charlie Hebdo, pour chapeauter la rubrique culturelle. Puis elle se livre à l’évocation douloureuse des attentats de 2015, elle, qui était arrivée en retard le jour de la tragédie et y avait donc échappé de justesse. Et elle raconte ce qu’elle avait déjà mis en scène dans son autobiographie, La Légèreté, parue chez Dargaud en 2016… la lente reconstruction d’après l’horreur de ce 7 janvier. Catherine Meurisse se tait, puis reprend. « Obscurantisme. Carnage ». Deux mots prononcés difficilement avant une pause destinée à calmer ses larmes.
Tout pour la BD
Après le récit pudique du drame de 2015, l’autrice conclut ainsi : « Ma jeunesse prendra fin subitement ce jour-là. Désormais, la bande dessinée m’occupera totalement. Peut-être parce-que ma jeunesse, comme la vôtre, y est à l’abri. » La bande dessinée, genre on ne peut plus sérieux, protecteur du rire, de l’innocence et de l’enchantement du monde ; c’est sur cette unique voie que Catherine Meurisse continuera désormais, épée au côté et rameaux d’oliviers brodés au veston, son combat pour l’idéal et l’éternelle – ou devrait-on dire l’immortelle- jeunesse.
Marie Cambas