La première édition du Goncourt des Détenus récompense Sarah Jollien-Fardel pour son roman « Sa Préférée »

Le Centre National du Livre (CNL) associé à l’Académie Goncourt a annoncé hier, le 15 décembre, dans un communiqué de presse que « le prix Goncourt des Détenus {avait été} attribué à Sarah Jollien-Fardel pour son roman « Sa Préférée ».


Un nouveau Goncourt en faveur de la lecture et de la réinsertion

On connaissait le prix Goncourt des lycéens, mais cette fois-ci, l’Institution s’offre à un autre type d’électorat. Le prix Goncourt des Détenus a été créé en 2022, en accord avec l’administration pénitentiaire, le Centre National du Livre et l’Académie Goncourt ; pour cette première édition, 500 détenus issus de 31 maisons d’arrêt et centres de détention ont pu faire valoir leur choix du meilleur roman. 

Les romanciers ont eux aussi joué le jeu, et discuté de leur ouvrage lors d’échanges en présence des détenus ou par visioconférence. 

Les détenus qui participaient au jury ont tranché entre les 15 romans pré-sélectionnés par l’Académie Goncourt ; ils ont fait le même choix que le jury du Roman Fnac 2022, qui a lui aussi récompensé la suissesse pour son premier roman. 

« Sa préférée », la quête de liberté d’une enfant violentée

L’histoire qui a ému les détenus est celle d’une enfant que l’on voit grandir à travers les mots de Sarah Jollien-Fardel. « Sa préférée » mêle romanesque pur et autofiction. L’autrice y raconte des rapports difficiles avec un père violent durant l’enfance, son amour pour une mère fragile, et la reconstruction de la région suisse du Valais, en parallèle avec le chemin de Jeanne, l’héroïne, vers l’émancipation. Scènes de maltraitances par les coups, par les mots, par le déni de son entourage, de son médecin qui panse ses plaies en silence ; Jeanne trouve pour seule alliée une professeure, et tente d’échapper au déterminisme de son village en partant. Mais, rattrapée par le suicide de sa soeur, ses fuites vers d’autres lieux ne l’empêchent pas d’être ramenée par le moindre bruit, la moindre situation équivoque, dans le village de son enfance. Viendra-telle à bout de cette appartenance indésirable et tenace au passé ?  Dans son livre, Sarah Jollien-Fardel, grâce au choix d’un langage dur qui colle aux peurs de Jeanne et à ses révoltes, nous emporte dans le destin courageux d’une femme en quête de libération. 

Littérature et prison, des liens étroits depuis toujours

On connaît l’importance de la lecture dans les centres de détention, source d’évasion par le rêve. On connait aussi de grands livres en faveur des prisonniers, à commencer par « Le Dernier jour d’un condamné » de Victor Hugo. D’autres, plus contemporains, comme « Au coeur de la prison des femmes » de Marie-Annick Horel, nous informent sur les conditions de détention d’aujourd’hui et plaident en faveur d’une meilleure prise en considération des détenus. 

Mais on connaît moins les écrivains qui se sont révélés en prison. Certains pourtant, sont très célèbres comme Jean Genet. Récemment, d’anciens détenus comme le braqueur Fabrice Rose, ou encore René Fregni, incarcéré pour avoir refusé d’effectuer son service militaire, ont découvert leur vocation en prison. Fregni découvre Giono et Camus durant la détention, et décide de devenir écrivain. Aujourd’hui, il organise des visites dans les prisons pour susciter d’autres vocations similaires à la sienne. 

Dans la continuité de cette volonté d’accentuer le plaisir littéraire au coeur des centres pénitentiaires, et peut-être même de révéler des écrivains à eux-mêmes, c’est cette fois-ci une académie littéraire de renom qui redonne de la voix aux détenus et leur propose un voyage au coeur de la littérature contemporaine.

Marie Cambas

Marie Cambas: