Revivez la journée du premier tour. Ces élections régionales et départementales 2021 avaient été reportées de mars à juin à cause de la pandémie. Les tendances se sont affinées et l’abstention s’est révélée historique. Les différents partis vont devoir désormais négocier avant le second tour. Des sortants confortés, un Rassemblement national nettement moins haut qu’on s’y attendait et une sévère déroute pour les listes LREM…
Après une campagne perturbée par la crise sanitaire, l’avantage a été donné aux sortants à gauche et surtout à droite lors de ces élections régionales et départementales. Ces résultats déjouent la plupart des sondages qui prédisaient une forte poussée du RN. La majorité présidentielle devra lutter dans la plupart des régions pour tenter de peser au second tour.
Les enjeux de ce double scrutin sont nombreux : le RN va-t-il décrocher sa première région ? Quel avenir pour les candidats à droite ? La majorité arrivera-t-elle à s’imposer ? Qui se démarquera à gauche ? Quelles alliances pour le second tour dimanche 27 juin ?
Une abstention record
L’abstention, inédite, est sans conteste la grande gagnante de ce premier tour des élections régionales en s’établissant à l’échelle nationale entre 66,5 % et 68,6 % selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions. L’abstention est la plus forte dans la région Grand Est (70,8%) et dans les Pays de la Loire (69,8%). En Centre-Val de Loire, en Normandie et dans les Hauts-de-France, l’abstention atteint 67%. La Corse est la région où les électeurs se sont le plus mobilisés (44,1% d’abstention). Deux Français sur trois n’ont pas voté. Jamais les Français n’ont autant boudé les urnes pour le premier tour des régionales et départementales.
La classe politique a déploré dimanche, dans son ensemble, ce record. Selon le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, ce niveau « abyssale » serait « en partie liée à la situation sanitaire », ajoutant qu’elle « doit tous nous alerter ». L’abstention est « le premier enseignement de ces élections », a-t-il analysé. Quant à l’eurodéputé EE-LV Yannick Jadot s’est inquiété d’une « forme de schisme qui s’installe entre la classe politique et les Françaises et les Français ». Pour le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, « le niveau de l’abstention est particulièrement préoccupant », a-t-il déclaré dans un message sur Twitter. « Notre travail collectif doit être tourné vers la mobilisation des Français pour la seconde tournée », a-t-il ajouté.
Les résultats par régions :
AUVERGNE-RHONE-ALPES
- Laurent Wauquiez (LR) – 43,8%
- Fabienne Grébert (Ecologie) – 14.4%
- Andrea Kotarac (RN) – 12.3 %
- Bruno Bonnell (LREM) – 9.87%
Le président sortant LR Laurent Wauquiez, grand favori des sondages, arrive largement en tête de ce premier tour avec 43,8% des suffrages. Il s’est réjoui d’un résultat dépassant « toutes les attentes ». Très loin derrière, la candidate écologiste Fabienne Grébert a obtenu 14,4% des voix. Le candidat RN Andrea Kotarac arrive en troisième position à 12,3%, devant le LREM Bruno Bonnell, qui n’a pas atteint les 10% des voix, avec 9,87%. Le député a déjà prévenu que s’il ne se qualifiait pas, sa liste ne fusionnerait avec aucune autre.
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE
- Marie-Guite Dufay (PS) – 26.52%
- Julien Odoul (RN) – 23.19%
- Gilles Platret (LR/UDI) – 21.04%
- Stéphanie Modde (EELV) – 10.34%
- Bastien Faudot (Extrême Gauche) – 4.5%
Faisant mentir l’ensemble des sondages, la présidente socialiste sortante de Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, est arrivée en tête dimanche, avec 26,52%, devant le RN (23,19%), emmené par Julien Odoul et le candidat des Républicains et de l’UDI, Gilles Platret (21,04%). La présidente sortante a à plusieurs reprises évoqué sa volonté de faire alliance avec la liste EELV de Stéphanie Modde (10,34%) et la tête de liste d’extrême-gauche Bastien Faudot (4,5%).
BRETAGNE
- Loïg Chesnais-Girard (PS) – 20.95%
- Isabelle Le Callennec (LR) – 16.27%
Le duel des héritiers de l’ancien homme fort de la région Jean-Yves Le Drian a tourné à l’avantage du président sortant, le socialiste Loïg Chesnais-Girard. Crédité de 20,95% des voix, il s’impose en favori dans un scrutin marqué par une abstention record de 64,21%. Il est suivi par la liste LR d’Isabelle Le Callennec (16,27%) qui accuse une baisse de 7 points par rapport à 2015. La liste était alors conduite par le député Marc Le Fur.
CENTRE-VAL DE LOIRE
- François Bonneau (PS) – 24.77%
- Aleksandar Nikolic RN – 22.53%
- Nicolas Forissier – (LR) – 18.95 %
- Marc Fesneau (Mouvement Démocrate) – 16.69%
Le président sortant François Bonneau (PS) est arrivé en tête avec 24,77% des suffrages, devant le RN à 22,53%, et distançant largement le candidat de la majorité présidentielle, le ministre Marc Fesneau, relégué en quatrième position (16,69%), selon des résultats quasi définitifs. Le candidat des Républicains, Nicolas Forissier, s’installe en troisième position, avec 18,95% des suffrages, d’un scrutin qui n’a poussé que 32,88% d’électeurs inscrits à se rendre dans les urnes.
CORSE
Le président sortant de l’exécutif corse, l’autonomiste Gilles Simeoni, devance (29,2%) d’une courte tête la liste de droite unie investie par Les Républicains Laurent Marcangeli (24,9%) pour le maire d’Ajaccio Laurent Marcangeli. La liste nationaliste du maire de Porto-Vecchio Jean-Christophe Angelini serait pour sa part créditée de 13,2%.
GRAND EST
Jean Rottner, le président sortant (LR) distance largement (31,15 % des voix) le candidat RN Laurent Jacobelli (21,12%). Suivent Eliane Romani (EELV/PS/PCF) avec 14,60% et la ministre Brigitte Klinkert (LREM/MoDem) avec 10,77%, tandis que l’ancienne ministre Aurélie Filippetti est éliminée (8,64%).
HAUTS-DE-FRANCE
Le président sortant Xavier Bertrand (ex-LR) s’est assuré au premier tour une confortable avance avec 41,39% des voix. Celui qui s’était présenté comme le seul à pouvoir faire barrage au RN, les yeux rivés sur l’Elysée, a largement distancé son rival Sébastien Chenu, qui n’engrange que 24,38%, dans une région de 6 millions d’habitants, parmi les plus pauvres de France. Il s’est félicité dimanche d’avoir « desserré pour les briser les mâchoires du FN ». Le ministre LREM Laurent Pietraszewski a obtenu 9,13%, un score en dessous du seuil des 10% des voix requis pour participer au second tour. Il a appelé ce dimanche soir à voter pour le candidat de droite Xavier Bertrand. « Les Hauts-de-France ont besoin de tout sauf de l’extrême incompétence, l’extrême indécence, de l’extrême droite », s’est justifié celui qui est aussi secrétaire d’État chargé des retraites.
ILE-DE-FRANCE
Valérie Pécresse distance largement ses concurrents. La présidente sortante (ex-LR) recueille 35,94% des voix devant le RN Jordan Bardella (13,12%) et l’écologiste Julien Bayou (12,95%), qui vire en tête des listes de gauche, suivi par Laurent Saint-Martin (LREM) (11,76%), Audrey Pulvar (PS) (11,07%) et Clémentine Autain (LFI) (10,24%). Hidalgo (PS) appelle au rassemblement derrière Bayou (EE-LV) : « J’appelle ce soir en responsabilité à un large rassemblement des forces de gauche et des écologistes à ses côtés pour l’emporter la semaine prochaine », a-t-elle déclaré. Hidalgo avait pourtant propulsé sa propre adjointe à la mairie de Paris, Audrey Pulvar, pour défendre la liste socialiste aux régionales.
NORMANDIE
Le centriste Hervé Morin, président sortant, prend la tête avec 36,86% des voix, devant la liste RN de Nicolas Bay, donnée à 19,86%. La liste PS/EELV/Générations de Mélanie Boulanger est créditée d’un score de 18,37%, devant celle de LREM emmenée par Laurent Bonnaterre, à 11,07%.
NOUVELLE-AQUITAINE
C’est le sortant PS Alain Rousset (qui brigue un cinquième mandat), qui se place premier avec 28,6% des suffrages, devant la candidate RN Edwige Diaz (18,2%) et la LREM Geneviève Darrieussecq (13,6%). L’écologiste Nicolas Thierry obtient quant à lui 12% des voix.
PAYS DE LA LOIRE
La présidente sortante Les Républicains Christelle Morançais a obtenu 34,29% des suffrages, loin devant l’écologiste Matthieu Orphelin (18,70%) et le socialiste Guillaume Garrot (16,31%). Les candidats Hervé Juvin pour le Rassemblement National et François de Rugy pour LREM/MoDem recueilleraient respectivement 12,53% et 11,97%. François de Rugy, arrivé ce dimanche en cinquième position à la tête de la liste LREM dans les Pays-de-la-Loire, a reconnu « une grosse déception pour la majorité présidentielle » et annoncé qu’il se maintenait malgré tout pour le second tour des régionales. Le candidat a affirmé qu’il maintenait sa candidature car il souhaite incarner « une force d’équilibre qui permette de tempérer les excès de la future majorité » au conseil régional.
OCCITANIE
Carole Delga, présidente sortante PS et à la tête d’une petite coalition qui réunit notamment le PS, le PCF et le Parti radical de gauche, se place en première position dans la région avec 39,57% des suffrages exprimés. Elle compte ainsi 17 points d’avance sur le RN Jean-Paul Garraud, donné à 23,25%. La tête de liste LR Aurélien Pradié arrive troisième à 12,19%, tandis que la liste LREM/MoDem de Vincent Terrail-Novès, à 8,6%, est annoncée sous le seuil des 10% requis pour participer au second tour. L’écologiste Antoine Maurice recueille également 8,3% des voix.
PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR
La liste du Rassemblement national conduite par Thierry Mariani (35,38%), annoncée largement en tête dans les sondages, devance d’un peu plus de deux points la liste LR de Renaud Muselier (31,91%) soutenue par la majorité présidentielle. Le candidat EELV-PS d’union de la gauche Jean-Laurent Felizia crédité à 16,9% des voix, a perdu le soutien du bureau exécutif d’EELV, car il a décidé de se maintenir après être arrivé troisième. Le secrétaire général du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé « solennellement au retrait de la liste conduite » par Jean-Laurent Félizia en Paca, ce dimanche soir sur Twitter.
REUNION
Le divers droite Didier Robert, président sortant de la région Réunion, a terminé en tête avec 31,10% des suffrages dimanche soir. A la tête d’une liste d’union des droites et des centres, il a pourtant été condamné le 21 mai dernier à 15 mois de prison avec sursis et à trois ans d’inéligibilité dans une affaire de prise illégale d’intérêt. Didier Robert a cependant fait appel, ce qui lui a permis de mener cette campagne. Derrière lui, Huguette Bello, la maire divers gauche de Saint-Paul (ouest de l’île) et Ericka Bareigts, la maire PS de Saint-Denis, se placent respectivement en deuxième et troisième positions avec 20,74% et 18,48%.
GUADELOUPE
Le président sortant de la région Guadeloupe, Ary Chalus (LREM), a raté de peu une réélection dès le premier tour, avec 49,31% des suffrages, loin devant la liste de la présidente socialiste du département Josette Borel Lincertin (17,38%). Le scrutin a été marqué par une très forte abstention avec un taux de participation de 30,85% contre 47,21% en 2015.
MARTINIQUE
La liste conduite par le député Serge Letchimy (DVG) s’est imposée au 1er tour du scrutin territorial en Martinique avec 31,66% des suffrages devant celle du président sortant, l’indépendantiste Alfred Marie Jeanne qui a obtenu 25,80 %. Jean Philippe Nilor, député du sud, dissident du mouvement indépendantiste termine à la troisième place avec 12,01% des suffrages. La sénatrice divers gauche Catherine totalise 10,63% des suffrages.
Les Républicains obtiennent de bons scores et le RN plus bas qu’attendu
Le parti Les Républicains arrive en tête à l’échelle nationale au premier tour des élections régionales avec 28,7% des voix, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions. Le Rassemblement national obtient un score plus bas qu’attendu, avec 19,4% des voix, devant le Parti socialiste qui résiste, avec 15,6% des suffrages. Suivent les listes d’Europe Ecologie-Les Verts (12,9%), de La République en marche (10,4%) et de La France insoumise (5,3%).
Damien Abad, député LR de l’Ain, a salué sur Franceinfo « la victoire de la droite républicaine », « premier parti de France », après ce premier tour des élections départementales et régionales. Les listes de droite sont notamment largement en tête en Ile-de-France, dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.
La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, arrivée deuxième lors du premier tour des élections régionales et départementales, a appelé ses électeurs « au sursaut » pour le deuxième tour du scrutin, après un score plus bas qu’attendu. « La distorsion des intentions de votes avec les votes réels n’a qu’une seule explication : nos électeurs ne se sont pas déplacés », a-t-elle regretté, demandant à ses sympathisants de « redresser les résultats de ce premier tour aux urnes patriotes ».
Dysfonctionnements en série
Des incidents dans l’organisation du vote ont été rapportés dimanche et les jours précédents. Tous ne sont pas liés à la situation sanitaire. Des bureaux de vote ont notamment ouvert en retard à Marseille, faute d’assesseurs ou de présidents. Les deux prestataires chargés de la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales, La Poste et Adrexo, sont convoqués lundi par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
« Il est temps de s’interroger publiquement sur les causes de tels dysfonctionnements. Le bureau de l’Assemblée nationale serait bien inspiré d’ouvrir une commission d’enquête sur les conditions dans lesquelles s’est déroulé le vote de ce dimanche », a déclaré Jean-Luc Mélenchon depuis son QG de campagne après plusieurs couacs lors du premier tour des élections régionales et départementales. « Serait-il temps de se demander (…) s’il n’est pas nécessaire qu’il y ait un seuil minimum de participation pour qu’une élection soit déclarée valide ? », a-t-il ajouté.
Tractations en vue avant le second tour
Aux élections régionales, seules les listes ayant obtenu plus de 10% des suffrages exprimés peuvent se maintenir pour le second tour, prévu dimanche 27 juin. Mais des alliances plus ou moins explicites, sous forme de fusions ou de retraits de listes, sont à attendre dans plusieurs régions. Place aux tractations et elles s’annoncent intenses jusqu’au dépôt des listes, mardi 22 juin à 18 heures.
Par Emma Forton